Etonnant paradoxe d'une époque, la nôtre, adepte de l'éphémère, du tape à l'œil, de la dégustation à grosses bouchées goulûment avalées qui autorise, à l'occasion, dans le même temps, au compte-gouttes, la renaissance et l'embellissement de pans culturels de justesse empêchés de disparaître totalement, définitivement. On se doit de louer dans cette optique plutôt optimiste au total l'initiative du trio Vox Suavis qui nous convie à côtoyer La Voz des olvido (La Voix de l'oubli) par le biais d'une bonne vingtaine de pièces de musique traditionnelle espagnole et des « Cantigas de amigo » de Martin Codex. Les artistes, chercheurs et musicologues, Anna Arnaz (voix et percussions), Dominique Vellard (voix et oud) et Baptiste Romain (vièles et cornemuses), donnent vie à plusieurs générations de musiciens anonymes de différentes régions de la Péninsule ibérique dont certaines racines rurales trouvent une belle occasion de se faire entendre d'un public non initié. A la fin du 19e siècle les musiques populaires dépréciées avaient connu un certain regain d'intérêt notamment lorsque des compositeurs comme Manuel de Falla et d'autres personnalités comme Felipe Pedrell, Manuel Garcia Matos, Alan Lomax, Kurt Schindler… y avaient puisé des idées et de l'inspiration. Leur enthousiasme a manifestement rejailli sur Vox Suavis, inspiré par le travail salvateur de leurs prédécesseurs. Le trio peut également s'enorgueillir d'apports personnels au niveau de sa propre interprétation indispensable au renouvellement et à la pérennité du genre.
Un document majeur pour toute discothèque soucieuse se scruter un passé par trop démantelé.