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Attila : pour l’Odabella de Lucrecia Garcia

Pour conclure avec brio ce mini-festival de juin 2012 (après une Flûte qu' il vaut mieux taire, après un Nixon in China décevant), cet Attila rarement monté in loco (Ramey, Connell, Ordonez, Chernov/Ferro … 1991!) nous est repris dans la nouvelle production, claire et nette, droite dans ses bottes, de la Scala (20 juin 2011).

dirigeait à Milan….. il officie également ce soir à San Francisco. Lucrecia Garcia assumait au pied levé le rôle d' Odabella….. elle le reprend hic et nunc pour notre plus grand bonheur.

En lever de rideau, les costumes, gris et bruns, cendrés, les décors, faits de ruines, de soldats crucifiés, empalés (clin d' oeil à Kubrick ?), de pluies et de grisaille, re-situent l' oeuvre dans son temps, sans détours (Verdi aurait insisté pour que cette fois la « vérité historique » fût un peu mieux respectée !). Ces tons, grisonnants et ternes, seront plus tard agrémentés des rouge vif, des jaunes et blancs des tenues romaines et papales. Alessandro Camera sacrifiera pourtant aux goûts de notre temps … : la scène sera ainsi plus tard divisée : sur la droite, Attila, ses hordes, ses dévastations et désolations. Sur la gauche, cinq ou six couples « habillés », comme pour aller à l' opéra, contemplent, passifs, du haut de leur loge (car l' on est au théâtre) les bruits et les fureurs d' un IIIème. siècle bien barbare, conférant ainsi à l' oeuvre, comme à rebours, une dimension pseudo-historico-patriotique. Sans commentaire. La mise-en-scène, inoffensive, anodine, va de soi.

campe un Attila de force dix. Le personnage, frustre, féroce et rude, mais aussi circonspect et prudent, sait à merveille, tout comme Verdi malgré ses proclamations, gommer les aspérités de l' Histoire, se montrer grande âme, humain, qui ne ressent pour le traitre Ezio que mépris et dédain. La voix, musclée, brutale, joue des couleurs et des intonations avec maestria. Aisance, fougue, panache, tout y est … sans oublier ces ineffables pudeurs dans l' expression. Nathaniel Peake (Uldino, prise de rôle) l' accompagne avec talent. Quinn Kelsey, lui aussi en prise de rôle, possède une présence scénique indiscutable. La voix, chaude et bien placée, son timbre prenant, un Attila, avrai tu l' universo, resti l' Italia a me font instantanément mouche. Une énaurhme découverte … l' Odabella de la jeune Lucrecia Garcia, qui s' impose d' emblée, dès le Santo di patria. Scéniquement. Vocalement. Odabella saura user d' audace et de ruse, de séduction pour décemment venger son père. Sa vision sera tendue, rigoureuse, homogène. Alerte et pétillante, totalement impliquée, Garcia chante et joue avec … gourmandise. Une voix fraîche et franche, persuasive, admirablement forgée, une agilité étonnante (l' aplomb de la vocalise !), des aigus nets, insolents, un contrôle surprenant du souffle … on reste sidéré, abasourdi. A suivre … et de très très près. Prise de rôle également pour Diego Torre, passionné, enlevé, abouti. Mais la voix ne suit pas. Bloquée, jamais elle ne s' ouvrira. L' aigu sent l'effort … le grave, la tension. Frustrant. Au pupitre, , tout en nerfs, adopte des tempi lestes et vifs, précipités, mène son Verdi tambour battant… et c' est très bien ainsi.

En conclusion : une excellente soirée, grâce à Lucrecia Garcia… sans bouder Furlanetto ou Quinn Kelsey.

Crédit photographique : Lucrecia Garcia (Odabella) © Cory Weaver.

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