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L’Italie redécouvre Alfredo Casella

Après une très belle restitution de pièces orchestrales poétiques et évocatrices de Gian Francesco Malipiero, saluée par une Clef ResMusica, poursuit avec sa réappropriation du répertoire symphonique italien. Pour que l'on ne dise plus que l'Italie n'est qu'une terre d'opéras !

A la tête de l'Orchestre symphonique de Rome, le chef italien a mené à bien la première intégrale des trois symphonies de Casella, dont les deux premières ont été enregistrées en première mondiale. Dernière à paraître mais enregistrée avant les autres, la Sinfonia de 1939-1940 date de la haute maturité du compositeur. Ecrite sur une commande du Chicago Symphony Orchestra après un silence de 30 ans, elle est à l'évidence plus maîtrisée que les deux premières de 1905-06 et de 1908-09 qui sont sous l'influence de Tchaïkovski (pour la Symphonie n°1) et de Mahler (pour la n°2). Alun Francis avait gravé une bonne version de la Sinfonia pour CPO en 2006, mais pour bien l'apprécier  il est utile de connaître ses deux aînées, car toutes les trois correspondent bien à leur époque et à l'âge de leur auteur.

La Symphonie n°1 (Naxos 8.572413), d'une durée de près de 45 minutes, rend hommage à Tchaïkovski et à la fraîcheur juvénile d'un musicien de 22 ans que l'on rencontre dans la musique nordique. En plus elle comprend un magnifique mouvement lent, que Casella reprendra dans sa deuxième symphonie avec une orchestration qui lui fera perdre son impact immédiat.

La Symphonie n°2 (Naxos 8.572414) plus ambitieuse témoigne de l'adoration de Casella pour Mahler, dont il était un défenseur infatigable – et Mahler en contrepartie l'aida à se faire publier chez Universal Edition. Sa symphonie fut créée à Paris le 23 avril 1910, six jours seulement après la création parisienne de la Symphonie n°2 du compositeur autrichien – c'était la première fois que Mahler jouait une de ses œuvres dans la capitale française. Le premier mouvement de la symphonie de Casella ravira les mahlériens. On imagine l'overdose que représentèrent pour le public parisien ces deux créations en l'espace d'une semaine !

La Sinfonia garde des liens avec Mahler, mais le détachement néo-classique (ou plutôt néo-baroque, car Casella s'était fortement imprégné du style baroque à partir des années 20) se rattache à un Paul Hindemith ou un Honegger, et le jeune Chostakovitch n'est pas loin non plus.

Les compléments proposés par La Vecchia au cours des différents volumes parus sont précieux, et révèlent d'autres influences.
Dans les années 1910, Stravinsky prend le pas sur Mahler. L'Elegia Eroica de 1916 est un hommage dramatique et inspiré aux soldats de la première guerre mondiale. A notte alta (Dans la nuit profonde, 1917-1921) pour piano et orchestre, est la seule pièce à programme – et autobiographique – que Casella ait composé. Ecrite alors qu'il était tombé amoureux d'une étudiante française dont il était le professeur et qui allait devenir sa seconde femme, il en assura l'orchestration à Capri durant leur lune de miel, alors qu'ils s'étaient mariés. Notte di Maggio (Nuit de mai) (Naxos 8.572416), composée en 1913 et enregistrée en première mondiale par La Vecchia, vaut également le détour, on pense cette fois aux atmosphères mystérieuses de Karol Szymanovski, en moins sensuel ici.
Dans les années 20, Casella participe au renouveau de la musique baroque, et sa Scarlattiana, divertimento sur la musique de Domenico Scarlatti arrive à donner au néo-baroque un caractère lumineux et décontracté bienvenu après les douleurs du début du siècle. Le Concerto pour violoncelle de 1934-1935 est de ce point de vue plus sérieux. Dans les années 1940, alors que Casella se rend tardivement compte des errements de la dictature mussolinienne, le Concerto pour cordes, timbales et percussions (1943) est dédié à Paul Sacher et à son Orchestre de chambre de Bâle, et elle partage une fraternité de style, fait de rigueur et de clarté, avec les grands compositeurs de sa génération, Bartók, Hindemith, Martinů, Frank Martin ou Honegger.

Alors s'il faut choisir un album parmi les quatre pour découvrir Casella, celui de la Sinfonia couplé à l'Elegia Eroica s'impose comme le plus constant dans l'inspiration du compositeur. Les trois autres apportant un éclairage complémentaire sur la trajectoire du compositeur et de la musique de son siècle, et l'ensemble est dirigé avec une affection constante par un tout à la ferveur de son travail de redécouverte.

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