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Programme russe avec Riccardo Chailly et Lynn Harrell

Un violoncelliste américain, un chef d'orchestre italien, un orchestre allemand, voilà le très international melting pot dans lequel furent mijotées ce soir deux œuvres russes du XXème siècle. Avons-nous ressenti cette lave en fusion et cet acier typique de l'âme slave ? Pas forcément, et si on s'en rapporte au livret de ce concert présentant ainsi ces deux œuvres, le concerto pour violoncelle de et la symphonie de Rachmaninov : « Si la première, créée par Mstislav Rostropovitch, est d'une ironie glaçante, la seconde, en particulier dans son mouvement lent, mise sur une expression généreuse et poignante. Des larmes aux cris, deux affects toujours étroitement imbriqués dans la musique russe » on risquait de rester sur sa faim car point tant de larmes, de cris, ni d'affects si typiquement russes ce soir.

Cela commença par un Concerto pour violoncelle n°2 de Chostakovitch introduit tout en douceur et rondeur par , sur un tempo relativement lent et dont on se dit alors que ce ton aimable et droit, comme on le ferait pour l'exposé du thème précédant une série de variations, allait ensuite prendre son envol et nous emmener vers des régions plus sombres et contrastées, et animer comme il se doit cette œuvre, assez austère au premier abord. Malheureusement il n'en fut rien, et on eu du mal à se passionner pour ce concerto qui manqua de mordant, de force expressive et d'animation. Mais pas de cohérence car le chef et le soliste jouèrent la même partition, la rondeur des pizz de l'orchestre répondant à la douceur de l'archet du soliste, dans un esprit chambriste tout en intimité. Certes, ce parti pris des interprètes n'était pas forcement un contresens en soit dans cette œuvre proche d'un concerto de chambre où l'orchestre, bien que joliment fourni, y est rarement utilisé en masse, mais dans l'acoustique si peu intime de la salle Pleyel, ce choix interprétatif s'avéra un handicap plutôt qu'un atout. Quant à l'ironie glaçante annoncée, on la cherche encore dans cet océan de gentillesse. Du coup, cette œuvre pourtant d'une durée raisonnable nous parut bien longue.

Ce que la Symphonie n°2 de Rachmaninov est assez naturellement, et pas seulement par la durée diront les mauvaises langues, au point qu'elle a été plus d'une fois jouée avec des coupures. nous en a donnée une interprétation d'une cohérence à toute épreuve en même temps que d'une élégante pudeur. De ce point de vue sa vision, assez personnelle et magnifiquement défendue, s'éloignait franchement des archétypes russes ne reculant devant aucun excès ou épanchement lyrique. Usant de phrasés plutôt droits où toute tentation de portamento semblait bannie, avançant d'un pas ferme et décidé sans jamais distordre le tempo, profitant des ressources très étendues de son orchestre, le chef nous sembla réussir une interprétation exemplaire et difficilement surpassable dans cette optique où la sobriété l'emportait sur le pur romantisme, la lumière latine sur la noirceur slave, la rigueur germanique sur la démesure russe. Néanmoins, aussi exemplaire et brillante qu'elle fut, cette interprétation ne nous parut pas venir à bout de toutes les longueurs de cette œuvre, certains thèmes restèrent interminables et leur répétition plutôt convenue, nous laissant à la fois admiratif sur le travail d'orfèvre du chef et toujours quelque peu perplexe sur cette partition.

Crédit photographique : , © Sasha Gusov – Decca

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