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Le sémillant hommage de Myung-Whun Chung à Ravel

En conclusion du cycle « Hommages », programmé à la Cité de la Musique pour la deuxième moitié du mois d'octobre, un concert entier est consacré au compositeur et à ses divers coups de chapeaux : à la musique française du XVIIIe siècle dans Le Tombeau de Couperin, à la musique de ses contemporains dans les orchestrations d'œuvres de Claude Debussy, ou à la sonorité orchestrale elle-même dans l'orchestration des Tableaux d'une exposition (célèbre pour mettre à l'honneur des instruments au timbre surprenant, tel le saxophone dans Il Vecchio Castello, ou encore le tuba ténor dans Bydlo).

L', qui n'était peut-être pas dans un de ses meilleurs jours, a éprouvé quelque difficulté à entrer dans la musique qu'il jouait. Il propose une version sans relief du Tombeau de Couperin, dont la virtuosité semble même décontenancer les pupitres des bois (dans le Prélude, les hautbois ont été bien pâles). Les œuvres de Debussy ne sont guère mieux servies ; mais on commence pourtant à sentir dans la Danse une animation qui progressivement gagne tous les musiciens de l'orchestre. C'est certainement que , qui depuis le début fait preuve d'une grande chaleur dans sa direction, a réussi à communiquer son intérêt pour ces pièces, et à ranimer l'enthousiasme de ses troupes.

Il parvient donc – récompense de son labeur – à donner des Tableaux d'une exposition une interprétation proprement fulgurante, à laquelle maintenant ses musiciens adhèrent tout à fait : sa lecture très unifiée de l'œuvre (qu'à cause de sa difficulté technique, on entend parfois jouée de manière morcelée, comme si les diverses pièces qui la composent n'étaient qu'une série de morceaux de bravoure que le hasard aurait constitués en recueil) le conduit à adopter des tempi rapides, à prendre des risques qui donnent une formidable énergie à l'ensemble. Les Promenades récurrentes ne sont plus des parenthèses répétitives, mais elles dialoguent tout à fait avec les pièces qui les encadrent ; chacune garde toute sa nécessité formelle, reposant l'oreille de l'auditeur, et le conduisant à d'autres états d'esprit. L'orchestre met en lumière, à la perfection cette fois, les trouvailles de couleur de l'orchestrateur : les cuivres sont très inspirés dans le choral Catacombæ / Sepulcrum Romanum, qui prend une dimension hiératique et menaçante. Beau travail de cohésion également dans Limoges – Le Marché ; quant à La Cabane sur des pattes de poules, qui est presque l'aboutissement du grand crescendo qui court sur l'ensemble de la partition, elle sidère entièrement, grâce à la précision et au dynamisme des percussionnistes.

Après quelques sueurs froides, c'est en fin de compte un philharmonique de Radio France au sommet de son art que l'on a eu la joie de retrouver, et qui a gratifié la musique de Ravel d'un sincère et sémillant hommage.

Crédit photographique : © Classica

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