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A Cologne, Fidelio ou le manque d’émotion

Ce devait être une première pour le moins inhabituelle : Fidelio, donné loin des fastes d'un théâtre de l'opéra, dans une station de métro en construction. Malheureusement, l'idée s'avéra difficile à mettre en place, trop chère surtout en ces temps de crise.

Ce fut donc l'Oper am Dom, plus connu sous le nom de Musical-Dome, refuge principal de l'Opéra de Cologne en cette période de rénovation, qui accueillit le chef d'œuvre de Beethoven. En même temps, les moyens techniques du lieu ne permettant pas de donner deux productions en parallèle, il fallut se contenter d'une représentation en forme de concert, vaguement mise en espace par Eike Ecker. Et c'est là que les problèmes commencent…

Car si l'acoustique sèche des lieux est un rien difficile lorsque l'orchestre joue dans la fosse, elle s'avère carrément problématique quand les musiciens se retrouvent sur scène. A aucun moment, le son n'est homogène, les cordes couvrant systématiquement bois et vents. De même, les voix ont du mal à passer la rampe dès que les chanteurs s'éloignent du milieu de la scène ce qui déstabilise sensiblement les ensembles et empêche que l'émotion s'installe dans la salle. Seul le chœur, en très grande forme, triomphe de ces circonstances difficiles.

C'est dommage, car la qualité musicale de la soirée est tout à fait remarquable. Au pupitre d'un Gürzenich-Orchester luttant courageusement contre les conditions acoustiques, nous offre une lecture extrêmement nuancée. Evitant tout wagnérisme avant la lettre, faisant jouer les cordes avec un minimum de vibrato, il soigne le moindre détail sans pour autant négliger les grandes lignes. En Leonore,  Erika Sunnegårdh, formidable Senta ici même au mois de mai, déçoit un peu. Certes, la couleur juvénile du timbre et la facilité de ses aigus lumineux font merveille notamment au deuxième acte. Les graves, en revanche, sont peu nourris et le médium manque de chaleur, qualité pourtant essentielle pour toucher le public dans « Komm Hoffnung ». Florestan est chanté par qui, après avoir fait le tour du monde dans le répertoire italien, est en train de s'approprier des rôles de Heldentenor. Heureusement, si la voix a gagné en puissance, elle n'a pas perdu sa souplesse lui permettant ainsi de dresser un portrait très nuancé du prisonnier. De même, , doté d'une noirceur de timbre tout à fait bienvenue, évite soigneusement d'aboyer le rôle de Pizarro le rendant ainsi encore plus dangereux. A ses côtés, , allégeant admirablement sa grande voix rompue au répertoire wagnérien, campe un Rocco plutôt humain. Marzelline trouve en Jutta Maria Böhnert une interprète correcte, sans plus, alors que John Heuzenroeder tire Jacquino un peu trop du côté de Mime. Et qui, diable, a eu l'idée de conférer de Don Fernando au jeune baryton Christopher Bolduc manquant à la fois de l'autorité et du registre grave essentiels à ce rôle court, mais important ?

Le public, à la fin, applaudit chaleureusement tous les musiciens sans pour autant faire preuve d'enthousiasme. Mais qui aurait pu se montrer enthousiaste sous ces conditions acoustiques ?

Crédit photographique: Rocco () et Leonore () © Paul Leclaire

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