- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Couperin le visionnaire par Florence Malgoire et ses Dominos

Combien de fois n'est-il pas affirmé que Prélude à L'après-midi d'un faune et Claude Debussy ont ouvert au XXe siècle musical !  À l'égard du XVIIIe siècle (musical), il en est dit tout autant de et de ses premières sonates. Ces sept œuvres (y compris La Convalescente, récemment redécouverte) légitiment cette affirmation ; dès les premières secondes de ce disque, et son ensemble Les Dominos la rendent évidente.

La sonate-en-trio selon Couperin fut un des enjeux d'une énième querelle entre goûts français et italiens. Lully triomphait alors en costume français, et, tentant de faire oublier ses origines italiennes, il professait un nationalisme français outré. Quant à la musique italienne contemporaine – au premier rang, celle de Corelli –, elle ne trouva refuge que dans une poignée de cénacles discrets à Paris. Vers l'âge de quinze ou seize ans, le jeune y fut subjugué par l'art de Corelli « dont j'aimeray les œuvres tant que je vivrai », plus précisément l'opus 1 (des sonate da chiesa éditées en 1681) et l'opus 2 (des sonate da camera publiées en 1685), qui furent connues et jouées à Paris fort peu après leur publication à Rome. Et ce n'est que trente-cinq ans plus tard, en 1726, que Couperin avoua le « petit mensonge officieux » que, au début des années 1690, il avait commis pour que ses « sonades » (ainsi avait-il francisé la sonata italienne), prétendument envoyées d'Italie par un « nouvel Auteur italien », fussent jouées : parce qu'il avait revêtu un pseudonyme italien, ses sonades furent bien mieux appréciées que s'il avait conservé son patronyme.

Dans sa limpide notice, Catherine Cessac établit la chronologie selon laquelle ces sept œuvres – six sonates-en-trio, suivant le modèle corellien ; et une sonate-en-quatuor (La Sultane) – ont été composées. Et surtout, elle cerne leur poétique partagée puis dresse le portrait de chacune d'elles.

et ses Dominos cultivent, profondément, ce sillon. Les sonorités, belles et chaudes, captivent ; les élans rythmiques y sont une palpitante source de vie ; et l'intelligence rhétorique et expressive y est un sel révélateur. Ces sept trésors que Couperin façonna trouvent donc ici une enchanteresse reviviscence … et un supplément : le projet de chaque sonate est à portée de main. Comme un grand pianiste sait singulariser chacune des trente-deux beethoveniennes sonates, et ses Dominos révèlent, de chaque sonate selon Couperin, le visage singulier. De la (rare) poésie en musique, un rêve éveillé …

Signalons l'impeccable prise-de-son, aérée et précise, qui est une réussite totale. , son auteur, est également le producteur et le « patron artisan » de ce fameux label Ricercar auquel les mélomanes sont redevables de tant d'impérissables bijoux … Un de plus, avec ce Couperin par Les Dominos !

(Visited 787 times, 1 visits today)