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Bâle : Un bal masqué intense et enjoué

Voici un fort intéressant regard porté sur Un ballo in maschera.

Négligeant tout autant le tropisme italien, même de bon aloi, auquel toute mise-en-scène verdienne serait sensée se plier, que le Regietheater, cette production sert finement l'ambiguïté dont Verdi a fait la substance de cet opéra trop rarement joué. Non pas un droit fil narratif mais un alliage de situations hétérogènes ; non pas l'unique genre tragique mais un entrelacs de tragédie historique, de comédie de mœurs et de drame intime ; non pas une dialectique entre usages anciens et novations, mais un jeu avec les codes de sa propre pensée opératique.

court le risque de ne pas séduire immédiatement (rares sont les moments où elle sacrifie au lyrisme attendu) et préfère intéresser au long cours : elle emprunte les chemins par lesquels Verdi exerce un recul critique – et courageux – sur son art. Ainsi la scénographie, véritable visage de Janus (ou les deux faces d'une même médaille), abstrait deux façons de décor. Son avers est un simulacre de façade de villa romantique dans l'Italie septentrionale : il consiste en un grand et clair panneau peint, d'un gris bleuté et tamisé, duquel ne saillent qu'une poignée d'huis réels (quatre fenêtres ainsi qu'une porte flanquée de son perron et de son escalier). Son sombre revers combine une architecture d'échafaudages et l'adossement (avec maints contreforts et pains de fonte) qu'exige tout mur au théâtre. La direction d'acteurs assume crânement l'ambiguïté des genres dramaturgiques et ne cherche nullement à éluder ce qu'Un ballo in maschera a de comique, tout en évitant méticuleusement de ruiner le premier degré du récit ou de déstabiliser les chanteurs par un hâbleur recours au registre du ridicule.

Pour produire ses spectacles (opéra, théâtre, danse), le Theater Basel organise une large alternance, solution totalement inédite dans en France, sinon au théâtre, par la seule Comédie Française. Ainsi ce Ballo in maschera a-t-il été créé le 15 décembre et connaîtra-t-il sa dernière (et seizième) représentation le 24 avril prochain. En conséquence, une double distribution (voire une triple, pour certains rôles) est nécessaire. Ce 20 décembre, l'équipe qui joua, même si elle n'accueille pas de fameux noms du gotha verdien, a frappé par son homogénéité vocale et par son engagement théâtral. a su donner, à Renato, son permanent demi-caractère, entre commis d'État et chef autoritaire, entre grand amoureux et funeste jaloux ; vocalement et à juste raison, il a davantage recherché une sobre intériorité qu'il n'a explicité les affres de la passion défaite. De Ricardo, a valorisé la juvénilité et les sincères élans énamourés ; à un facile pathos vocal, il a préféré un pudique mais intense lyrisme, qui a culminé dans les deux derniers actes. La jeune a été un Oscar précis et enjoué, tandis que Larissa Schmidt fut une Ulrica plus inquiétante que démonstrative. Un soupçon au-dessus de ses partenaires, a campé une Amelia captivante : dire que ses moyens vocaux siéent autant à une Condessa (Le nozze di Figaro) qu'au rôle-titre de Suor Angelica permet d'en dresser le fidèle portrait. Intensité expressive et pudeur élégante sont l'apanage d'une chanteuse dont nombre de scènes lyriques devraient prochainement s'attacher le précieux concours.

Saluons le talentueux Chœur du Theater Basel et le raffiné que a conduit, à la fois, en patron de la représentation et en chambriste lyrique.

Crédit photographique : © Hans-Jörg Michel

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