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A Cologne, Anna Bolena frôle la perfection

Cette fois, l'opéra aurait dû s'appeler Giovanna Seymour. Car c'est elle qui est au centre de la mise en scène à la fois sobre et passionnante signée et .

Au moment où Henri VIII commence à se détourner d'elle, Giovanna se souvient de son ascension au trône et du destin tragique d'Anne Boleyn. , vêtue d'une robe rouge ravissante, incarne à merveille cette Giovanna rongée par le remords, tour à tour fière et tourmentée. De surcroît, sa voix longue, au médium de velours et à l'aigu flamboyant, capable de superbes demi-teintes même dans le haut du registre, s'avère idéale pour le répertoire belcantiste. A ses côtés, Olesya Golovneva campe une Anna non moins exceptionnelle. Plus jeune que la plupart des titulaires du rôle actuelles, dotée d'une beauté un rien fragile, elle nous émeut dès son air d'entrée. Renfermée dans une sorte de cube blanc – alors que le reste de la scène rappelle un riche manoir de la campagne anglaise – elle ne parvient plus à quitter ce monde d'humiliation et de détresse. Vocalement aussi, elle frôle la perfection : habilement, elle négocie quelques passages un peu graves pour elle, pour déployer ailleurs un chant d'une éblouissante beauté, exempt de toute dureté ou stridence. Rien ne semble lui poser problème, ni lyrismes, ni vocalises, ni attaques furieuses. Sa grande scène finale où elle s'investit à fond scéniquement et musicalement, devient ainsi un moment de pure magie.

Mais le reste de la distribution n'est pas en reste. En Smeton, remplace Katrin Wundsam. Membre de l'atelier lyrique de l'Opéra de Cologne, la toute jeune mezzo polonaise fait valoir une voix des plus prometteuses. Les graves, certes, manquent encore un peu de rondeur, mais l'aigu s'épanouit avec une facilité déconcertante permettant à Wryk d'oser deux ajouts assez spectaculaires dans son grand air. Henri VIII trouve en un interprète de haut vol. Doté d'une voix de basse impressionnante, homogène sur toute la tessiture, il campe un roi autoritaire, sans pour autant négliger les règles du chant belcantiste. Le difficile rôle de Percy, à la tessiture particulièrement meurtrière, a été confié, pour le trois dernières représentations de la série, au jeune troupier . Une fois passé l'écueil du premier air qui le trouve encore un rien crispé, le ténor coréen enchante le public par la beauté de son timbre, la qualité de son légato et la facilité de son registre aigu.

Au pupitre du Gürzenich-Orchester nous trouvons cette fois un chef plus connu pour ses interprétations de musique baroque, . Et en effet, son interprétation respire un air de classicisme : des tempi généralement allants, peu de rubato et quasiment pas de coupures. Si l'on peut regretter un manque de spectaculaire dû à l'interdiction d'ajouter des contre-notes conclusifs, par moments également un certain manque de flexibilité, on ne peut qu'admirer la tension que de Marchi crée tout au long de la soirée. Les trois heures quinze de musique se passent ainsi sans un seul temps mort. Y a-t-il une louange plus forte pour une production d'opéra ?

Crédit photographique : (Giovanna) © Klaus Lefebvre

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