L'on croit parfois tout connaître des grands artistes. C'est souvent exact d'ailleurs, mais en l'espèce, on découvre une exécution jubilatoire sous les doigts du pianiste Benjamin Grosvenor.
Déjà apprécié, fêté, voire adulé, cet artiste britannique, encore très jeune et étonnamment talentueux, pulvérise les meilleures dispositions d'avant-écoute. Dès la première œuvre enregistrée, le merveilleux Concerto pour piano n° 2 de Camille Saint-Saëns, il s'investit totalement dans sa partition et fait chanter son piano à égalité avec les innombrables solistes qui dans l'histoire de l'enregistrement se sont confrontés à ce chef-d'œuvre de la musique française, créé à Paris par le compositeur lui-même le 6 mai 1868. Ainsi contribue-t-il au retour en grâce de l'auteur du Carnaval des animaux et de la Symphonie n° 3 avec orgue si longtemps décrié et dévalué.
Suit une seconde œuvre française composée soixante-trois ans plus tard : le Concerto en sol majeur de Maurice Ravel que ce dernier dirigea en création à Paris également, le 14 janvier 1932 avec en soliste la légendaire Marguerite Long. Grosvenor s'exprime avec une musicalité exceptionnelle aussi bien dans le registre classique du premier que jazzy du second. On avait là de quoi être pleinement satisfait mais, cerise sur le gâteau diraient certains, Benjamin Grosvenor conclut avec une interprétation absolument phénoménale de la Rhapsody in Blue de l'Américain George Gershwin dans sa version originale pour formation jazz à laquelle l'orchestration irremplaçable et embellissante de Ferde Grofé confère toute sa grandeur. Grosvenor, solidement soutenu par un orchestre incandescent, fermement soutenu par un Orchestre philharmonique royal de Liverpool survolté sous la baguette de James Judd, enflamme la partition que l'on voudrait sans fin. Une heure magique et enthousiasmante de délectation musicale !