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Otto Klemperer, immense

EMI Classics vient d'entamer une édition exhaustive de ses enregistrements consacrés à : d'une ampleur à la hauteur de ce grand musicien, elle ne comptera pas moins de 78 CDs réparti en 11 coffrets, par compositeur, par genre ou par période. Selon l'éditeur, cette publication sera achevée en mai 2013.

Élève de Hans Pfitzner en composition et direction d'orchestre, (1885-1973) est remarqué dès 1905 par Gustav Mahler grâce à qui il obtient des fonctions à l'Opéra Allemand de Prague (1907), puis à l'Opéra de Hambourg (1910). On le voit ensuite à l'Opéra de Strasbourg, à Cologne où il crée notamment La Ville Morte de Korngold (1920), puis à Wiesbaden. Mais c'est au Kroll Oper de Berlin qu'il acquiert une renommée d'envergure par le style nouveau de la production et le nombre étonnant de créations, révélant des ouvrages de Hindemith, Krenek, Janáček, Schönberg, Stravinsky ou Weill. Klemperer émigre ensuite aux États-Unis où il étudie la composition avec Schönberg, et dirige les orchestres de Los Angeles et de Pittsburg. Il reviendra ensuite en Europe après une opération pas très réussie d'une tumeur au cerveau, qui lui provoque une paralysie partielle mais aggravée ensuite par une chute à l'aéroport de Montréal en 1951. C'est l'époque de ses légendaires gravures viennoises pour Vox, musicalement excellentes, mais qui souffrent néanmoins d'une technique de prise de son bien insuffisante. Fort heureusement, dès 1954, l'intransigeant Walter Legge va offrir à Klemperer un orchestre, le Philharmonia de Londres, et la technique d'enregistrement EMI-Columbia à la dimension de l'homme, car immense par la taille, Klemperer le fut également par ses réalisations musicales et ses enregistrements.

De nos jours on n'ose plus jouer Beethoven comme c'est le cas ici, et c'est probablement regrettable. Il est vrai que Klemperer fut le dernier survivant du célèbre « quatuor » de chefs d'orchestre Furtwängler-Toscanini-Walter-Klemperer… Ces géants attachaient au moins autant d'importance à l'esprit, la spiritualité, la musicalité, qu'à la lettre même des œuvres qu'ils honoraient. Mais actuellement, existe-t-il encore un équivalent de ce fameux « quatuor » ?… On a souvent mis en avant le style monumental des exécutions de Klemperer, et il est vrai que le Beethoven de Klemperer est altier, imposant. Il est également vrai qu'elles n'ont pratiquement jamais quitté le catalogue EMI, et de fait elles sont toutes devenues des classiques du disque.

Les gravures des symphonies, réalisées peu après celles d'Herbert von Karajan pour le même éditeur (Columbia) avec le même orchestre () contrebalancent – pour ne pas dire concurrencent – celles du grand chef autrichien par une vision plus proche d'un Wilhelm Furtwängler par la noblesse et la grandeur de pensée. Les deux premières symphonies, encore héritage de Haydn, voient ici leur juste éclairage tout de clarté et de précision, tandis que dès la Symphonie n°3 « Eroica », Klemperer affirme sa conception monumentale de manière péremptoire pour aboutir à une Symphonie n°9 « avec chœurs » absolument « kolossale » : de cette dernière, le Scherzo Molto vivace par exemple, pris dans un tempo très large, à la précision rythmique inégalée et implacable, fait à lui seul 15'40, aussi par le respect rare de toute les reprises. Seules les Symphonies n°6 « Pastorale » et n°7 « Apothéose de la Danse » souffrent quelque peu de cette vision large et grandiose : les premier et troisième mouvements de la Pastorale nous semblent actuellement trop lents, tandis que l'Apothéose de la Danse, dont Klemperer nous livre trois versions de plus en plus lentes, ne parvient pas à épanouir sa généreuse plénitude, n'échappant pas à une certaine pesanteur. Il n'en reste pas moins que ce coffret constitue une référence beethovenienne dont on ne peut se passer.

Si tous ces enregistrements nous sont bien familiers, peut-être ceux consacrés à l'œuvre orchestrale de Mozart nous le sont moins, car a priori la conception interprétative monumentale de Klemperer semblerait moins bien convenir au style de Mozart qu'à celui de Beethoven. Eh bien, il n'en est rien ! L'audition du legs mozartien de Klemperer est une surprise absolue ! Le sévère producteur de EMI Walter Legge, lui-même d'abord sceptique quant aux qualités mozartiennes de Klemperer, fut entièrement conquis dès sa toute première gravure les 8 et 9 octobre 1954 de la ravissante Symphonie n°29 en la majeur K. 201, et son appréciation positive se confirma lorsque Klemperer enregistra dans les années 50 les Symphonies n°38 « Prague », 39, 40 et 41 « Jupiter ». Cette totale approbation est probablement due au fait que Klemperer semble utiliser ici un effectif orchestral limité à une quarantaine de musiciens, et qu'il pratique systématiquement la disposition opposée gauche-droite des premiers et seconds violons (aussi utilisée dans Beethoven), caractéristiques rendant ainsi la texture orchestrale particulièrement transparente, alliée à une précision due à la qualité instrumentale de haut niveau du .

Dans les années 60, Klemperer devait refaire ces cinq symphonies en ayant l'opportunité d'y adjoindre les Symphonies n°25, 31 « Paris », 33, 34, 35 « Haffner » et 36 « Linz », le tout complété par quelques ouvertures et sérénades. Les reprises sont souvent – mais pas toujours – respectées, toutefois plus dans les gravures des années 50 que dans celles des années 60. Les interprétations mozartiennes de Klemperer sont surtout centrées sur le respect du texte, la précision et l'objectivité, faisant moins place au charme d'un Mozart galant et ingénu tel que le révélaient par exemple un Sir Thomas Beecham ou un Bruno Walter, pour ne citer que des contemporains d'.

 

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