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Elsa Grether et le mysticisme de Bloch

« Aussi est-ce cette ferveur, cette flamme-là, tantôt brûlante ou incandescente, que j'espère exprimer et traduire sur cet enregistrement le plus fidèlement possible. »
Voilà comment résume son approche d'une partie de l'œuvre pour violon et piano du grand compositeur suisse naturalisé américain . Il y a toujours un risque à ce genre d'exergue. Toutefois, nous somme vite emportés par l'élan et la profondeur superlatifs de cette musique.

A la base, oui, la musique de Bloch est exceptionnelle par sa qualité. Aussi, on aura tendance à se laisser séduire et attraper par ces harmonies chargées, ces mélodies très typiques (quoique non issues de références traditionnelles) et ces rythmes qui connotent fortement l'écriture dans la direction d'une judaïté affirmée. L'interprète passerait facilement au second plan, mais il n'y a que ceux qui s'investissent totalement dans ces récits foisonnants qui atteindront la grâce et nous la transmettront.

Le piano accompagnateur de ces sonates, eu égard son aspect très technique et chargé de notes, parfois presque à l'extrême, aura vite tendance à embourber le frêle violon de ses accords et de ses trilles insistants. Le roumain ne tombera pas dans ce travers vis à vis de la violoniste. Même dans les passages symphoniques, l'équilibre est maintenu. Le Nigun garde sa signification initiale d'improvisation par un jeu en permanence dans le violon qui ne donne jamais l'impression d'une approche précise du texte bien que pourtant écrit. Les sonorités qui s'en dégagent ont une couleur franche et nette, tendue de manière à porter le son de façon continue dans le but de ne jamais lâcher l'auditeur par l'émotion. Le vibrato heureusement très contrôlé sauve l'œuvre de Bloch de la lamentation larmoyante.

On aurait pu se passer de la fadeur du Fratres de Pärt, fadeur inhérente à cette composition très populaire mais de très peu d'intérêt, mais en phase avec la thématique « mystique » du programme. On préfère la profondeur des visions de Bloch à la pâleur lancinante du tintinnabulisme estonien. Compléter la durée par les deux autres numéros du Baal Shem dont est tiré le Nigun nous aurait paru plus judicieux. Mais rien ne nous oblige à l'écouter.

Restons sur la très bonne impression d'une musique qui mériterait bien plus de candidats.

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