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Sonate « Vie et Destin » de Chrystel Marchand

est une compositrice à la croisée de l'Histoire et de la transmission : musicienne, elle se confronte à notre héritage en écrivant à son tour sonates, quatuor ou requiem. Pédagogue, elle s'applique par les thèmes de ses œuvres, la maternité, la mort (celle d'une élève tragiquement disparue, ou de manière plus universelle celle des camps d'extermination), à toucher le public. Par son style, nourri de Fauré et de Debussy mais aussi irrigué par une admiration profonde pour l'art et la vie de Chostakovitch, elle cherche à être essentiellement actuelle.

Le Requiem pour un déporté, sur des textes d'Yves-Pierre Boulongne, poète, résistant et survivant du camp de Buchenwald, est sans doute l'expression la plus emblématique de ce travail : dans cette œuvre créée en 2006 par des chorales de collèges et de lycées de l'Oise, elle fait se rencontrer les générations pour bouleverser leur conscience sur un événement passé dont la violence cataclysmique prend des formes qui ont trouvé à se renouveler jusqu'à aujourd'hui.

Ce premier disque, consacré à son œuvre pour piano, illustre ces traits fondamentaux avec en particulier une Première Sonate « in memoriam  » qui a été sa professeure (l'œuvre a été écrite en 1980, l'année suivant la disparition de la pédagogue), et une Seconde sonate « d'après des fragments de Vie et Destin de Vassili Grossman » composée en 2012 et dédiée à , la veuve du compositeur.

Choquer par la forme n'intéresse pas , elle cherche à entraîner l'auditeur avec elle. C'est ainsi que la Sonate « Vie et Destin », qui est la pièce la plus ambitieuse et la plus récente du disque, débute de manière innocente et légère avant de progressivement entrer dans le cauchemar. Mais pour exprimer l'horreur, pas de recours à des martellements hystériques, des déluges insensés de notes. De la force, de la tension, mais rien dont l'excès formel pourrait détourner de l'essence du message. L'atrocité est restituée de manière plus subtile et insidieuse, à qui sait écouter et apprendre. Ainsi, pour l'évocation de la construction du camp par les prisonniers soviétiques – un épisode relaté dans le livre de Grossman – les cordes du piano préparé sont martelées dans cet enregistrement avec un fragment de poteau électrique ramassé sur le chemin de ronde du camp de Buchenwald.

, dont c'est aussi le premier disque, est un interprète sensible qui a la tension et l'introspection nécessaires pour rendre justice à l'expressivité maîtrisée de cette musique.

 

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