- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Trois mises en scène et un décor : Il Trittico à Cologne

Avouons-le : Nous étions sceptiques lorsque l'Opéra de Cologne annonça son idée de confier les trois opéras du Trittico puccinien à trois metteurs en scène différents, trois femmes pour l'occasion. Comment garder un minimum d'unité dans de telles conditions ? La réponse est simple : en choisissant un seul scénographe.

C'est un décor divisé en trois étages que Dieter Richter imagina pour les trois opéras, suffisamment polyvalent pour représenter, tour à tour, un bateau à quai, un monastère et une riche demeure bourgeoise. Sauf que le monastère n'en fut pas vraiment un.

Car, si Gabriele Rech et Eva-Maria Höckmayr choisirent une approche réaliste pour Il Tabarro et Gianni Schicchi, agrémentée d'une superbe touche de grotesque pour le dernier, Sabine Hartmannshenn opta pour un concept psychologique. L'opéra a lieu dans la maison familiale où Angelica doit mener une vie de prière et de pénitence. Lentement, la maison se transforme en un étrange monastère, où la prieure est la Vierge et bien des sœurs, vêtues de rouge ( !), sont enceintes… Si l'idée peut susciter de légitimes réserves, la direction d'acteur, intense de bout à bout, est au-dessus de tout soupçon. Et c'est en ce point que les trois mises en scène se rejoignent.

Musicalement, c'est d'abord la soirée de Will Humburg. Certes, sa gestuelle maniérée et excentrique peut agacer. Mais il sait, comme peu d'autres, créer un climat de passion et de tension qui prend l'auditeur aux tripes – condition idéale pour Il Tabarro et Suor Angelica. Pour Gianni Schicchi, réglé avec perfection, s'ajoute une bonne dose d'humour. On frôle donc la perfection !

Côté distribution, une seule chanteuse est présente dans tous les trois opéras : , mezzo à tout faire au sein de la troupe de l'Opéra de Cologne. Zia Principessa froide et hautaine comme il faut, Zita farfelue et drôle, c'est dans Il Tabarro qu'elle nous surprend le plus faisant de Frugola une petite vieille sadique. Sinon, ce Tabarro est dominé par le couple Michele – Giorgetta. Doté d'une voix longue et puissante, plus caractéristique que belle, campe un batelier fermé, incapable d'exprimer ses émotions, avant que celles-ci ne prennent complètement possession de lui. Asmik Grigorian, petite femme à la voix étonnement large, se durcissant, malheureusement, dans l'aigu, est tout le contraire : assoiffé d'amour et de liberté, elle se jette dans les bras du premier venu. C'est Luigi, l'ouvrier, qui trouve en un interprète plus vrai que nature, malgré un chant trop uniformément musclé…

En Suor Angelica, nous assistons à une véritable consécration : , jeune soprano américaine en troupe à Berlin, nous touche dès ses premières interventions. Quelle voix, jeune et lumineuse, à l'aigu pur et cristallin, quel chant, gorgée d'émotions, et, de surcroît, quelle actrice !

En Gianni Schicchi, nous retrouvons . Bien loin des habituels vieux rusés, à la voix passablement usée, il campe un Schicchi encore jeune, beau et soigné, un vendeur qui vend tout et n'importe quoi, un rien agressif, mais pas trop, et non dépourvu de charme. Gloria Rehm est une piquante Lauretta, mais la voix manque encore un peu de rondeur. , en revanche, est un Rinuccio de première classe, doté d'un timbre solaire à l'aigu facile et lumineux. Dommage qu'il n'ose pas accompagner sa bien-aimée au contre-ré bémol final…

Crédit photographique : Suor Angelica, Zia Principessa (), Schwester Angelica () ; Tabarro, Michele (), Giorgetta (Asmik Grigorian) ; Gianni Schicci, Gianni Schicchi (Scott Hendricks), Lauretta (Gloria Rehm), Rinuccio (), Zita () © Bernd Uhlig

(Visited 444 times, 1 visits today)