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Saint-Denis : A tout cœur pour le Deutsches Requiem

Le Festival de Saint-Denis aime les œuvres chorales et rien que cette année on en compte cinq, de L'enfance du Christ de Berlioz à la Symphonie de Psaumes de Stravinsky qui conclura le présent festival, en passant par ce Deutsches Requiem, l'oratorio Le Christ au Mont des Oliviers de Beethoven et le Requiem de Fauré. Il faut dire que les chœurs sont en général assez bien traités par l'acoustique du lieu, les orchestres pas toujours aussi bien comme on a pu le constater encore ce soir.

Juste avant le plat principal au menu de ce concert, nous était offert en guise d'apéritif Le Chant du Destin, dirigé tout en retenue et douceur par avec un chœur qui la suivit sans souci, dévoilant déjà une partie de ses qualités, dont une maitrise parfaite de la langue et pour cause puisqu'il s'agissait du Rundfunkchor Berlin qu'on avait déjà pu apprécier ici même dans un remarquable War Requiem de Britten.

Avec cet autre Requiem, de Brahms cette fois, il allait se montrer encore plus à son avantage d'autant qu'il avait franchement la part doublement belle ce soir, d'abord grâce à la partition dont il est pratiquement l'acteur principal, mais aussi parce que l'acoustique du lieu le favorisait nettement. En tout cas c'est ainsi que cela nous apparut tout au long des sept numéros de la partition, où plus d'une fois on sentit l'orchestre en difficulté ou au moins en déséquilibre expressif par rapport au chœur. Du coup les sept mouvements n'y trouvaient pas égales réussites, avec sans doute aux deux extrémités le II « Denn alles Fleisch … » franchement problématique et le VI « Denn vir haben … » plus enthousiasmant.

Ainsi donc après un premier mouvement relativement bien équilibré, sommes-nous passés à ce qui, à l'aune de notre propre expérience, a toujours été le principal os de toute exécution de cette pièce dans le cadre d'une église, les timbales. Cet instrument n'aime pas trop le surplus de réverbération qui fusionne les coups de maillets successifs au point de dissoudre le fameux rythme dans un fond sonore et de noyer les roulements dans le brouhaha. Ce qui en général ruine immanquablement ce mouvement tant cet instrument y est ici fondamental. Ce défaut toucha presqu'autant les cuivres dont les interventions marquantes ne le furent pas autant qu'attendues. Le chœur sauva ce qu'il put mais ne put empêcher ce II de prendre l'eau.

Avec le mouvement III vint la première des trois interventions solistes avec ici comme au VI le baryton . Placé à l'avant-scène il put projeter sa voix claire et dense sans problème vers l'auditeur. Il captura immédiatement l'attention, et dans un style sobre, précis et tendu à la fois, et réussit à donner à son texte suffisamment de dramatisme sans excès de théâtralité. nous parut moins immédiatement à l'aise dans son « Ihr habe nun Traurigkeit« , un peu hésitante peut-être, et comme son intervention est la plus courte de tout l'ouvrage, cela la pénalisa quelque peu quand même.

qui remplaçait ce soir le jeune chef Diego Matheuz retenu au Venezuela pour un deuil familial, dirigea ce requiem avec un très juste sens des équilibres et des proportions. Aucun excès de lenteur ni de précipitation ne se faisait sentir, même si les passages les plus animés pouvaient être plus allants que chez les classiques chefs germaniques. Le format forcément plus modeste de l' par rapport à l'habituel orchestre symphonique se traduisit par une texture plus légère qui paradoxalement nous sembla plus à la limite dans les moments retenus. On pense par exemple à certains passages avec les cordes en sourdine trop ténus pour maintenir la tension, contrairement aux moments d'éclats, tels le VI dans son entier, meilleur moment de la soirée, avec son alternance chœur-soliste et son apothéose chorale finale, dont on regrettera juste que l'accord conclusif soit trop vite abrégé. On y perçut mieux les timbales, jouées cette fois avec des maillets plus secs dont on s'est dit qu'ils auraient sans doute pu être avantageusement utilisés au II aussi.

Crédit photographique :  © Jean-Baptiste Millot – RundfunkchorBerlin © Reihe Matthias Heyde

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