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Yannick Nézet-Seguin célèbre le centenaire du Sacre du printemps

Dernière levée de la saison symphonique du Théâtre des Champs-Élysées, coïncidant avec la fête de la musique et donc à la fin du printemps, ou le début de l'été, au choix, ce concert était aussi le dernier marquant le centième anniversaire de la salle de l'Avenue Montaigne avec un ultime et tout aussi centenaire Sacre du Printemps succédant en quelques jours à ceux de Gergiev, Salonen et Gatti.

En choisissant pour clore cette série le chef canadien Yannick Nézet-Seguin qui, du haut de ses trente-huit printemps, est de loin le cadet du groupe, les programmateurs ont sans doute voulu regarder vers le XXIème siècle et pour accompagner le sacre stravinskien, œuvre majeure du XXème, La Mer de , autre jalon fondamental, précédée de La Valse qui ne tourne pas si rond de .

Et puisqu'on parle de modernité avec le nouveau siècle qui en est à sa treizième année, il semble qu'il faille se rendre à la malheureuse évidence que désormais d'incongrues mélodies viendront s'ajouter de façon impromptue autant qu'irrespectueuse à celles imaginées par les compositeurs et longuement travaillées par les interprètes de chaque concert, les obligeant à suspendre leur geste (Thielemann dans Le Vaisseau fantôme) ou comme ce soir à tout arrêter trois secondes et demi après le premier accord, et tout recommencer. On admire d'autant plus le calme et la concentration des musiciens qui repartent comme si de rien n'était, sans sembler plus affectés que cela, du moins jusqu'à certaines limites.

Après ce faux départ, Yannick Nézet-Seguin pouvait lancer les trois temps de La Valse que Ravel composa en 1919. Assez nerveuse, propulsée par des sauts dynamiques abrupts, dominée par des cuivres un peu bruyants, l'œuvre nous sembla jouée au premier degré sans l'ironie qui lui va si bien, sans non plus le sens de l'irrésistible progression qui nous conduit jusqu'à la fin et son climax final. Le son, finalement assez impersonnel, produit par l'orchestre ne participa pas réellement au plaisir sensuel qu'on peut prendre à l'écoute de cette musique, qui, à nos oreilles ne dépassa pas le niveau du correctement et professionnellement joué.

Cela ne changea pas vraiment avec l'œuvre qui suivit, puisqu'on y perçut les mêmes qualités d'engagement et de rigueur, et les mêmes déficits de sensualité, de subtilité, de couleur, de variations de climats, pour une Mer insuffisamment évocatrice, sans mystère ni passion. Le côté poème symphonique impressionniste était estompé au profit d'une lecture avant tout dynamique et littérale.

Avant le concert nous nous disions que Le Sacre du printemps devait, des trois pièces au programme, être celle qui montrerait le chef canadien à son avantage et ce fut effectivement le cas. Avec une remarquable introduction du basson solo Pieter Nuytten, on sentit le chef plus à l'aise dans la succession des séquences rythmiques que dans la continuité toute en subtilité debussyste. Certes il n'y avait pas plus de sensualité sonore dans L'Adoration de la Terre qu'avant l'entracte mais c'était moins gênant ici. Si on perçut encore une direction en séquence plus qu'en continuité dans cette première partie, avec Le Sacrifice on monta d'un cran, chef et orchestre atteignant ici une plénitude et une force expressive qui leur permirent de donner aux six sections conclusives une intensité sans faille, qui alliée à une brillante exécution orchestrale emporta manifestement l'enthousiasme du public qui éclata sitôt la Danse sacrale achevée.

Revenant à Ravel pour le bis de rigueur, chef et orchestre choisirent Le Jardin féérique, final de Ma mère l'Oye, pour conclure un concert honorable mais pas exceptionnel, commencé, à leur corps défendant, sur un faux départ, poursuivi sur un faux rythme, pour finir à leur meilleur avec un très convainquant Sacrifice.

Crédit photographique : Yannick Nézet-Seguin (EMI)

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