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The House Taken Over à Aix, tout est-il adaptable à l’opéra ?

La création 2013 (profitez-en, il n'y en aura pas en 2014) du Festival d'Aix se déroulait cette année dans le cadre bucolique du Domaine du Grand Saint-Jean. Après le sombre et réussi Un Retour / El Regreso d'Oscar Strasnoy dans ces lieux en 2010, après le succès de Written on Skin l'an dernier, le défi était de taille pour .

A l'instar de son aîné en 2010, Mendoça s'est inspiré d'une nouvelle sud-américaine, argentine pour être précis. Après le contemporain Alberto Manguel, place à Julio Cortázar, l'écrivain surréaliste réfugié en France en 1951 mais naturalisé (par François Mitterrand) trente ans plus tard. The House Taken Over s'inspire de Casa tomada (La maison prise) : Hector et Rosa sont frère et soeur, il vivent ensemble dans la maison familiale, dont ils sont les seuls héritiers. Petit-déjeuner, ménage, déjeuner, lecture, dîner, leurs vies sont réglées au cordeau sur un rituel immuable. Lui adore lire, au point de dévorer des catalogues de vente quand il n'a plus accès à ses livres, elle cultive le malaise de ne jamais avoir fondé de famille. La maison donne des signes inquiétant, des bruits viennent, les meubles tremblent… Le frère et la soeur condamnent les parties hantées, jusqu'à se retrouver sur le pas de la porte. Hector veut rester, Rosa l'incite à partir commencer une nouvelle vie.

L'aspect autobiographique est évident : rester dans son pays devenu dictature, quitte à se sentir à l'étroit, ou partir ? La librettiste Sam Holcroft, respectueuse de Cortázar, ne met pas l'aspect politique en avant : tout est dans le non-dit, le suggéré, le psychologique. On est dans une version intimiste de Wuthering Heights, Pelléas et Mélisande ou La Chute de la Maison Usher, de l'Emily Brontë passé à la moulinette Freud ou Jung. La mise en scène de – à qui on doit une large part du succès éclatant de Written on Skin – rend l'aspect oppressant de la situation grâce au dispositif scénique ingénieux d'Alex Eales. relève crânement le défi de succéder aux succès de ses contemporains avec une partition inventive, alternant écriture résolument contemporaine et réminiscences  – les berceuses de Rosa  à ses enfants imaginaires. Le plateau n'est pas en reste – admirables et – et l'ensemble instrumental demandé, sorte d'orchestre en version réduite, n'est pas moins que le très talentueux , dirigé par , nullement perturbé par les quelques gouttes de pluie venues ponctuer la soirée.

Mais d'où vient, malgré une telle réunion de talents,ce sentiment d'insatisfaction ? La force de Cortázar est d'évoquer par les mots et les situations cet ambiance délétère, partant du réalisme pour aboutir à l'absurde. La contraction d'un texte littéraire, nécessaire pour une adaptation théâtrale et indispensable pour une mise en musique, ne garde plus que les situations. Sans la description littéraire qui lui est propre, l'oeuvre ainsi adaptée tombe à plat. Le statisme induit d'une scène ne convient finalement pas à Cortázar.

Crédit photographique : (Hector),  (Rosa) © Patrice Berger / Artcomart

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