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A Montréal, une Lakmé bollywoodienne

Où va la jeune hindoue ? Que retenir de cette Lakmé montréalaise ?

Certes, un parfum de patchouli embaume les somptueux décors et costumes imaginés par . Ce sont de véritables tableaux vivants tout droit sortis des cartons d'un film bollywoodien. Jardin sacré au premier acte, bazar bigarré avec la foule grouillante au deuxième, hutte en bambous dans la nature envahissante au troisième.  Et ce sont sous les chaudes lumières d'Anne-Catherine Simard-Deraspe que se consumeront les amours d'une indienne pour un soldat anglais.

Le maquillage prononcé, les saris chatoyants des femmes, les épées qui étincellent et les poignards recourbés d'Orient, tout ce garam masala excite les papilles gustatives mais sans jamais mordre dans une dramaturgie efficiente. – que l'on a trouvé mieux inspiré ailleurs – semble se préoccuper assez peu du sort des protagonistes. Aucune urgence dans cette dramaturgie molle d'une banalité confondante, sans direction d'acteurs efficace. Sa mise en scène parvient difficilement à se hausser aux exigences de la pièce.

Pourtant, le chef-d'oeuvre de Delibes vaut plus que le clinquant des accessoires dont souvent on l'affuble. Sans rouvrir le débat sur les « grâces délétères » de Lakmé, l'inspiration du compositeur, si elle n'est pas toujours constante, il réussit à imposer des atmosphères inquiétantes qui parcourent les trois actes. L'intérêt repose sur une élégance bucolique charmeuse : le fameux duo des fleurs, « Dôme épais le jasmin » et l'air acrobatique des clochettes.

Du côté des voix, on ne perd rien au change avec  la soprano dans le rôle de Lakmé, en  remplacement d'. Bonne diction avec une excellente projection, elle crée un personnage d'une absolue fraîcheur, sensuelle, brûlante d'amour. Retenons au premier acte, le charmant duo avec , Viens, Mallika, où les voix comme des lianes en fleurs s'entrelacent à un jardin suspendu, dans la douceur d'un matin parfumé.  À ces épanchements exotiques de la flore indienne, s'ajoute l'érotisation de la femme. D'une agilité extraordinaire et d'une maîtrise parfaite, elle se joue de toutes les difficultés de la partition ornant de vocalises voluptueuses La Légende de la fille des parias.

On reste sans voix pour décrire la portée du ténor Mark Tessier qui peine à donner vie à son personnage. Il semble hésitant sur scène, ne sachant où se rabattre. De plus, la voix ne semble tout simplement pas répondre aux exigences du rôle. Les duos avec Lakmé tombent à plat, sans substance. Le bouillant baryton turc Burak Gilgili, ne fait pas dans la dentelle en brahmane fanatique. On pourrait lui reprocher ses approximations dans le style et la diction du français. Mais la voix est ample et son jeu scénique très exposé. S'il peaufinait quelque peu le rôle, il pourrait devenir un Nilakantha de premier ordre.

Les seconds rôles sont tous bien tenus, à commencer par l'excellent baryton qui incarne un Frédéric bien terre-à-terre, en cela, à l'opposé de son congénère de caserne. Florie Valiquette en Ellen, France Bellemare dans le rôle de Rose, Rachèle Tremblay en Mistress Bentson complètent agréablement le tableau. Mention particulière à la Mallika d', pour l'excellence de sa voix chatoyante.

Les choeurs de l'Opéra de Montréal, sous la houlette de , toujours bien préparés, donnent leur juste part à cette partition plus subtile qu'elle ne paraît.

à la tête de l' rend justice à la poésie musicale de Delibes.

Crédit photographique : © Yves Renaud

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