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L’ensemble Aeneas tout en teintes pastel

Le titre choisi par le jeune pour leur enregistrement ne trompe pas l'auditeur sur son contenu. « Aubade à la lune », outre l'association curieuse des deux termes, nous évoque en effet quasi instantanément des images aux teintes pastel, type Watteau, avec des promeneurs vaguement mélancoliques, surpris en contemplation dans des poses élégantes, etc. Tout un attirail un peu kitsch, fort balisé pour qui connaît le Verlaine des Fêtes galantes, et musicalement associé à tout un pan de la musique française au tournant du 20ème siècle, qui use (voire abuse) des timbres délicats de la flûte et de la harpe. L'intérêt du programme ne repose cependant pas uniquement sur cette esthétique fin de siècle (il est d'ailleurs curieux de constater que certaines des pièces présentées ici, composées après la première guerre mondiale, sont esthétiquement anachroniques), mais également sur le choix des oeuvres qui, outre une transcription, nous permet de découvrir des compositeurs fort peu représentés au disque.

Ainsi de Charlotte Souhy dont le Triptyque champêtre de 1925 et d'une élégance et d'un raffinement certain, ou de , frère de Gabriel, dont les Variations, de haute tenue, mystérieuses et élégiaques, sont très réussies. Nos coups de coeur vont néanmoins tout d'abord au Clair de Lune sous Bois de , absolument passionnant dans sa gestion du temps musical autant que de l'effectif, même si le compositeur cède un peu trop à l'exotisme dans la partie centrale, ensuite aux Cinq Haikai de , et plus particulièrement au dernier, « Rêves de guerriers morts », le plus développé des cinq, dont le style et l'instrumentation, avec les cordes à l'unisson, ne sont pas sans faire penser parfois au Franck du Quintette. Cette pièce a également le mérite de briser pendant quelques minutes l'atmosphère volontiers éthérée du reste du programme.

En ce qui concerne la transcription de la Suite Bergamasque, fort récente et due au premier violon de l'ensemble, , on peut dire qu'elle ne trahie ni ne défigure pas la musique de Debussy, elle l'enrichie au contraire de couleurs instrumentales que le compositeur a lui-même bien souvent employé. On pense au diptyque Danses sacrée et profane, ou encore aux splendides Chansons de Bilitis. Ces timbres sont agréablement équilibrés, et le transcripteur ménage de beaux moments pour chaque instrument, comme l'alto dans le « Menuet », des échanges ludiques, surtout entre flûte et violon, notamment dans la partie centrale du « Prélude », ainsi que d'élégants et savoureux relais de timbres dans le « Passepied ». La flûte est tout de même un peu trop présente à notre goût dans les deux derniers mouvements – on aurait souhaité qu'elle se fonde un peu plus dans l'effectif parfois. Mis à part ces qualités, l'interprétation de l'ensemble souffre cependant d'un certain premier degré, notamment dans le « Prélude », dont les grands arpèges sont un peu raides et mal articulés, parce que transcrits tels quels pour quintette alors qu'ils sont pensés pour les deux mains du pianiste.

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