La première soirée de la Trisha Brown Dance Company en escale à Paris se place sous le signe du cinéma.
Elle commence avec For M.G. : The Movie, hommage de 1991 à Michel Guy, ministre de la culture et directeur du Festival d'Automne. Sur une bande son riche et très évocatrice (une locomotive en action, un cargo prêt à larguer les amarres, des indiens en transe…) les danseurs évoluent avec flegme et virtuosité dans une ambiance chaude et crépusculaire. Le côté hypnotique de ces parcours répétitifs et bondissants et de ces déplacements lents est renforcé par l'espace imaginaire déployé et induit par la bande son. Lumières de fin d'après-midi, bruitages, ralentis sont autant d'effets spéciaux qui nous plongent au cœur d'un film émouvant.
Le clin d'œil cinématographique se poursuit avec le solo « Homemade », dansé par Vicky Schick. Projecteur de cinéma sur le dos, elle reproduit fidèlement le solo fixé sur la pellicule par Babette Mangolte, dont l'image se promène des cintres à la salle, au gré de ses déplacements. Il s'agit de la toute première pièce de Trisha Brown, parallèlement aux débuts du Judson Church Dance Theater à New York.
Dans « Newark », qui accueille le public après l'entracte, les vastes toiles peintes de Donald Judd rythment et occultent l'espace au gré des séquences. Rouge vermillon, jaune soleil, brique ou bleu Klein, ces toiles très pigmentées laissent le champ libre à des danseurs neutres qui explorent méthodiquement le transfert du poids du corps, l'en-dedans ou l'effet d'entraînement. Austère, malgré ce dispositif coloré, la pièce met en œuvre des formes complexes, dans une interprétation sans faille des danseurs de la Trisha Brown Dance Company. C'est une danse encore moins esthétique que celle de Merce Cunningham, qui recherche la symétrie, mais pas les lignes, l'unisson, mais pas l'harmonie. Cette écriture virtuose, mais dissonante, est néanmoins fascinante.
Crédit photographique : For M.G. : The Movie © Julieta Cervantes