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Viktoria Mullova galvanise l’Orchestre National de France

La musique vocale de Brahms, que l'on entend bien rarement, souffre de la réputation d'être peu gratifiante, et d'interprétation malaisée. De la part du Chœur de Radio France, l'initiative de présenter en concert quelques pièces chorales est donc très bienvenue, d'autant plus que celles-ci débordent effectivement de trouvailles musicales, d'effets d'atmosphère, d'élans lyriques poignants. Pourtant, il faut bien le reconnaître, comparées aux pages de musique pure que le compositeur a laissées, elles n'atteignent pas au même degré d'évidence. Elles sont moins achevées, moins parfaites, et à moins que ceux qui s'en font les interprètes ne leur fassent don de toutes leurs ressources d'inspiration, elle risquent de sembler ternes, et vaguement routinières.

C'est précisément cette conviction intérieure qui a fait défaut à l'. Quelques faiblesses d'intonation trahissent, chez les cordes, de la distraction ; et certes, le timbre des cuivres et des bois est à la hauteur de ce dont on sait l'orchestre capable, mais tous les musiciens semblent s'être repliés sur eux-mêmes, soignant les notes sans leur insuffler d'âme. Le jeune chef les déconcerte visiblement, avec des gestes trop amples, et parfois imprécis, si l'on en juge par les départs manqués du chœur. Quant aux chanteurs eux-mêmes, ils n'ont pas su convaincre, perdus entre des problèmes de justesse, et des nuances globalement mal dosées.

Par ses applaudissements réservés, à la fin de cette première partie, le public a signifié combien ses attentes envers étaient fortes. Et quel plaisir ce fut d'entendre la violoniste jouer le Concerto de Chostakovitch, l'œuvre qu'elle connaît le mieux au monde, et dont elle est l'infatigable héraut ! Ceux qui avaient dans l'oreille l'enregistrement qu'elle en fit avec André Prévin ont eu la joie de retrouver ce son chaud, caressant, qui sied si bien aux quatre mouvements de ce chef-d'œuvre tourmenté : le Nocturne mystérieux, alangui, flottant ; le Scherzo bondissant, trépidant jusqu'à l'épisode central du freilachs, cette danse juive effrénée ; la Passacaille, prodige de musicalité, écrite par le compositeur en quelques heures, au retour d'une réunion particulièrement humiliante au Parti Communiste ; la Burlesque, enfin, nullement joyeuse, mais moqueuse et frénétique.

L'endurance que cette œuvre requiert est telle que David Oïstrakh, son dédicataire, avait demandé à Chostakovitch de transférer certaines mesures du violon solo à l'orchestre, de manière à laisse le soliste reprendre son souffle. Mais , même souffrante, possède des trésors d'énergie, que la cadence gigantesque, à la fin de la Passacaille, ne semble pas même entamer. L'orchestre lui-même n'est pas indifférent à tant de fougue, et paraît sortir de son engourdissement. Le dialogue avec la soliste n'est pas parfaitement ajusté, mais le discours est cette fois d'une cohérence inattaquable. Et lorsque la violoniste revient donner en bis une pièce de Bach, c'est à l'unisson que musiciens et spectateurs applaudissent une si belle personnalité musicale.

Crédit photographique : © www.viktoriamullova.com

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