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Aix : Lugansky dans un Empereur sans conviction

Le Grand Théâtre de Provence poursuivait cette semaine sa programmation 2013 de choix avec un concert qui réunissait le principal orchestre d'Ecosse et son directeur musical, , ainsi que l'un des pianistes les plus en vue ces dix dernières années, . Le choix du répertoire n'aura malheureusement pas permis au Russe de briller. Sa performance de ce mardi 26 novembre a mis en lumière les problématiques que peuvent poser un monument tel que le Concerto pour piano n°5 et la difficulté, parfois mal évaluée, à s'approprier le discours « Beethovénien » surtout après des années passées à explorer d'autres répertoires.

C'est avec une œuvre de jeunesse d', les « Offrandes Oubliées », que s'ouvrent les débats. Cette méditation symphonique n'échappe pas à la dimension liturgique récurrente chez le compositeur qui parle de sa création en évoquant « l'oubli de l'homme devant le sacrifice du Christ ». Le phrasé ample nous permet d'apprécier l'homogénéité des cordes, de bout en bout attentives à leur chef charismatique dont la précision des gestes nous rappelle qu'il a été le premier violon du célèbre Tokyo String Quartet.

Dans Beethoven, l'introduction orchestrale initiale apparaît équilibrée et pleine de verve. Portées par une beauté mélodique instrumentale, les dynamiques sont franches à défaut de nous surprendre par une vision revisitée ou des couleurs inventives. Malheureusement, la phalange écossaise voit toutes ses bonnes intentions réduites à néant dès la première entrée du piano qui ralentit avec lourdeur le tempo initial. Avec un toucher léger et terne, Lugansky nous gratifie d'une vision ennuyeuse servie par un geste heurté et maniéré, lui qui d'ordinaire nous impressionne par son jeu délié, alliant souplesse et profondeur. Dans l'Allegro, l'opposition de style entre soliste et chef ne gâche pourtant pas totalement notre plaisir avec quelques plages inspirées et plus d'engagement côté clavier dans les passages forte. L'Adagio reste figé et ne parvient pas à nous émouvoir alors que le sublime de ces pages ne demande qu'à trouver une incarnation. Le tempo choisi était pourtant idéal mais la flamme n'y est pas et les indications de nuances passent à la trappe notamment en fin de mouvement avec une transition avec le Rondo peu soignée. Nouvelle déception dans ce final qui passe à côté de la grandeur humaniste du Maître de Bonn: les cuivres couvrent trop les violons et l'impulsion rythmique, d'ordinaire jubilatoire, devient binaire, réduite à une simple marche militaire.

En deuxième partie, l'ultime partition orchestrale de Rachmaninov, les Danses Symphoniques, nous laisse une impression mitigée. Le mouvement central, de caractère juvénile, est le plus réussi avec des inflexions sensibles mais l'ensemble témoigne d'une inégalité des pupitres. Si les cordes tirent leur épingle du jeu – à noter un très beau solo du 1er violon-, ce n'est pas le cas des vents, surtout des cuivres, trop clinquants, notamment dans le dernier volet qui prend des allures de B.O. d'un péplum hollywoodien. Le premier bis, la Danse Hongroise n°6 de Brahms, loin du caractère enlevé hongrois, ne décollera pas. La suite sera nettement plus réjouissante avec un air traditionnel écossais rafraichissant. Le public aixois ne se fait d'ailleurs pas prier pour marquer le rythme à son tour telle une Marche de Radetzky du Nouvel An.

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