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El Tigre de papier à Paris

Prenez une soirée de réveillon typique qui, à première vue, aura tout pour ravir le plus grand nombre: repas copieux et quelques boissons enivrantes en compagnie d'invités les plus prestigieux. Toutefois, le lendemain, cloué au lit avec une gueule de bois, il est fort probable que l'on regrettera d'y avoir assisté. Comparez celui-ci au spectacle musical de fin d'année El Tigre qui se joue actuellement au théâtre du Rond-Point. Vous y trouverez à peu près les mêmes ingrédients, et surtout, ce même désagréable sentiment d'indigestion à la fin.

Passons d'abord en revue les invités de marque: un metteur en scène argentin adulé sur les scènes parisiennes depuis plusieurs décennies, un compositeur de musiques de films qui obtint une aura nationale avec le film Les Choristes et une actrice-chanteuse franco-américaine qui tient régulièrement le haut de l'affiche dans le domaine musical, théâtral ou cinématographique.

On aura beau être honorés de se retrouver en si prestigieuse compagnie, l'ennui – triplement grand – nous prendra bientôt… Ennui qui leur est d'autant plus redevable que ces personnalités sont ici également les artisans du repas.

est parti d'une erreur grossière, celle de croire que son expérience et ses souvenirs personnels illuminés par son « génie » seraient suffisants pour créer un spectacle réussi. L'évocation d'une région de son pays natal (le El Tigre éponyme) et de la filmographie mal connue du réalisateur d'Ed Wood n'évoquent probablement pas grand-chose à personne, si ce n'est à lui-même (et à ceux qui ont pris la peine de lire avec attention le programme ou, mieux, le dossier de presse). Les moments qui se veulent humoristiques sont les plus difficiles à supporter, car les quelques gauloiseries, fussent-elles argentines, qui émaillent le spectacle sont dépourvues de tout esprit. Or une grivoiserie qui manque cruellement de cet esprit n'est guère plus qu'une vulgarité.

Notre deuxième invité de prestige, le compositeur , nous rappelle que composer des musiques de film ou de comédie musicale sont deux activités différentes. Sa série de compositions, destinées à supporter la pièce, se caractérisent par une incroyable, voire même insupportable monotonie. A tel point que lors du bis final, censé entraîner tout le public dans des applaudissements frénétiques, ce dernier reste en grande partie perplexe, même si quelques fans persistent et signent en lançant plusieurs “bravos”. Pour les autres, L'Argentine, pays si haut en couleurs, devient dans cette description musicale une bien triste et morne plaine.

Enfin, ne comptez pas sur la troisième invitée pour trouver un intérêt à ce spectacle. Jouant le rôle d'une star déchue, on aurait aimé voir moins de réalisme dans la prestation pleine de raideur scénique et vocale d'. Sa voix peine à atteindre les aigus, et encore plus à les tenir. Finalement, il n'y a que celle qui joue le rôle de sa fille, , qui trouve grâce à nos yeux, grâce à sa fraîcheur et une voix tout en rondeur.

A la sortie du théâtre du Rond-Point, une librairie permet de prolonger culturellement le plaisir que l'on prend habituellement aux spectacles de ce lieu très vivant. Toutefois, pour El Tigre, une pharmacie avec quelques médicaments soignant l'indigestion aurait mieux été à sa place.

Crédit photographique : (Lana) ; (Lanita) © Ai Mahdavi

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