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L’orientalisme sensuel des Nuits d’Angelin Preljocaj

C'est à la vision d'un Orient érotique et fantasmé que nous invite dans son nouveau ballet, Les Nuits, inspiré des Mille et Une Nuits. Commande de Marseille-Provence 2013, Capitale Européenne de la Culture, il fait escale au Théâtre national de Chaillot pour deux semaines, après avoir déjà parcouru la moitié de la planète depuis sa création en mai dernier à Aix-en-Provence.

Pour cette Première parisienne, le chorégraphe avait invité dans le public des créateurs avec lesquels il a déjà travaillé (Claude Lévêque, Eric Reihnart…) et ceux qui l'ont épaulés pour cet ambitieux projet, qui sont à nouveau montés sur scène au moment des saluts. La designer Clémence Guisset propose un décor stylisé et très élégant de coupoles découpées et de moucharabiehs délicats. Ce travail scénographique est souligné avec subtilité par les lumières de Cécile Giovansili-Vissière et les costumes d'Azzedine Alaïa. La bande-son est composée de tubes orientaux, musique de variété sucrée chantée par Natacha Atlas, en alternance avec des plages de musique électronique signée 79D, qui offre une respiration bienvenue.

Depuis sa première en région parisienne à Créteil en juin, le spectacle s'est rôdé et affiné. L'équipe de danseurs aguerris possède parfaitement son sujet, avec une technique et une exécution impeccable. Les duos intimistes et les ensembles dynamiques qui alternent à un rythme soutenu témoignent du savoir-faire du chorégraphe qui veille à mettre en valeur les solistes et la compagnie dans une succession de tableaux jamais monotone.

Du Bain turc d'Ingres, qui inspire le tableau d'ouverture au hammam, jusqu'aux ombres chinoises chères au cinéaste d'animation Michel Ocelot, les références sont nombreuses. On retiendra parmi les plus jolis moments du spectacle la danse des bas de jambes, masquées par des tapis d'Orient ou celle des jarres, sur lesquelles trois danseuses prennent des poses de pole dancer, mais aussi la délicate danse des narguilés. Féminité et virilité sont deux pôles qui s'attirent dans cet Orient de cabaret, dont l'érotisme un cliquant masque la pudeur et la sensibilité. Une féminité exacerbée et combattante, qui s'impose à coup de bras d'honneurs et de talons aiguilles. Une virilité dominatrice, de la figure d'un Sardanapale égorgeur aux torses nus et musclés façon gogo dancers. Entre ces deux pôles, ne parvient pas à imposer la vision d'un rapport apaisé entre les sexes. Peut-être un fil dramaturgique plus explicite ou l'incarnation d'une Shéhérazade, la figure féminine des Mille et Une Nuits, aurait-il suffit à nous tenir en haleine comme le sultan par ses contes ?

Crédit photographique : Photos © JC Carbonne

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