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Peter Grimes au Coliseum de Londres, le sans-faute d’Edward Gardner et de David Alden

L' entamait à la fin de ce mois de janvier la reprise de l'opéra Peter Grimes : à la baguette, le chef , dont on vient d'annoncer le départ de la maison d'opéra britannique pour septembre 2015, a déjà été reconnu pour le talent avec lequel il a par le passé dirigé et enregistré la musique de Britten. Saluée par la critique à l'occasion des Proms de 2009 et de 2010, la direction musicale a été, une fois de plus, époustouflante et magistrale.

Avec les célèbres Sea Interludes qui ouvrent chaque scène, l'orchestre plante le décor inhospitalier et venteux de la côte anglaise : parce que ces passages orchestraux se fondent admirablement dans l'ensemble, il semblait que l'imaginaire sonore de Britten, avec ses grandes arabesques marines servies par une exécution riche et précise, prenait le relais de l'action scénique une fois les rideaux tirés. La mise en scène, dans le prolongement naturel de la musique, nous plonge dans le quotidien du village de pêcheurs de The Borough, comme tout droit sorti d'un roman de Dickens : le décor de taule ondulée et rouillée, enserrant la scène devenue par la même occasion espace clos et accablant, rappelait volontiers, par ses différents agencements, les toiles expressionnistes de Munch. Ombres effrayantes des silhouettes humaines, éclair et tonnerre de la tempête, rayon de soleil sur le port… parce qu'il est trop rare d'y faire allusion, on ne peut que s'émerveiller du remarquable travail de lumière effectué lors de la représentation. Les personnages, vêtus de trench coat et de bottes en caoutchouc, bouteille de Gin à la main, possédaient eux aussi toute l'authenticité, mais aussi, paradoxalement, toute l'hypocrisie et toute la détresse sociale des personnages du grand romancier britannique.

En laissant à l'orchestre le soin de suggérer la mer, la mise en scène se consacre à la vraie tempête au cœur de l'œuvre, et qui n'est pas seulement celle qu'une météo capricieuse fait subir aux personnages lors du IIe Acte : Peter Grimes n'est pas tant une fable portant sur l'univers maritime qu'un tableau cruel des tensions qui sous-tendent la relation de l'individu avec la société qui l'entoure, ce que met parfaitement en exergue le travail de . Les mouvements de foule, devenant, au fur et à mesure que l'intrigue progresse, toujours plus terrifiants, ont suffi à évoquer les affres du monde marin tout comme les tourments de Peter Grimes. L'effet est magnifié l'incroyable performance des chanteurs, qui a rendu à la perfection le pouvoir malsain et dévastateur de la foule sur le personnage de Peter Grimes. , quant à lui, interprète le personnage éponyme en lui donnant toute sa naïveté, sa maladresse et sa faroucherie : pleurs, rage, désespoir, bêtise, mais aussi tendresse et douceur… le grand éventail de registres du chanteur a su nous émouvoir.

Avec cette belle reprise de Peter Grimes, l'interprétation d' et la mise en scène de sont en passe de devenir la référence incontournable de l'un des opéras phare du XXe siècle.

Crédit photographique : Elsa van den Heever (Ellen) © Robert Workman

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