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Le Théâtre de sons d’Oscar Strasnoy

Un lien d'amitié et une collaboration durable se sont instaurés entre le compositeur franco-argentin et l' qui le recevait en résidence en 2006 et gravait l'année suivante Hochzeitsvorbereitungen (Préparatifs de mariage), une cantate profane du compositeur, pour contre-ténor, soprano et ensemble instrumental.

Ce deuxième album monographique, que lui consacre 2e2m et son chef , s'attache davantage aux formes brèves du compositeur, à travers trois cycles d'oeuvres aussi séduisantes que singulières.

, dont le catalogue compte aujourd'hui dix opéras, entretient avec la voix, le texte et la scène une relation familière, quasi innée. Six Songs for the unquiet traveller qui ouvrent cet album en témoignent aisément. Les textes en anglais ont été conçus sur mesure par l'écrivain argentin Alberto Mangel pour honorer une commande du Wigmore Hall passée au compositeur. Voix et instruments y sont étroitement complices, volontiers répétitifs (Blond with Gorilla). Strasnoy procède par touches de couleurs très suggestives jouant avec le dessin stylisé de la ligne vocale (St Mark square). L'instrumentation est toujours extrêmement économe (Do you remember), tissant autour de la voix une aura poétique et raffinée qui n'exclut pas une pointe d'humour, comme dans An Island far qui donne son titre à l'album. Anne-Beth Solvang et les treize musiciens de l' confèrent toute la verve de ces savoureuses chansons.

Éminemment inventif et plein de fantaisie, donne libre cours à son imagination dans la série des Ecos. Commande du directeur du festival des Arcs Eric Crambes, ces courtes pièces solistes doivent faire « écho » aux quatorze Sequenze de Berio auxquelles Strasnoy dit avoir délibérément tourné le dos. Il n'en reste pas moins théâtral, comme son maître italien, en empruntant l'histoire de Cendrillon qu'il utilise par courts fragments choisis en fonction de chaque instrument. Les mots vont ainsi jouer avec les sons dans un rapport de complicité/complémentarité très astucieux. L'instrument est toujours en relai avec la voix sauf quand ils « disent » la même chose. L'absence des Sequenze n'enlève rien à l'originalité du projet. Bien au contraire, il n'en fonctionne que mieux.

Éloge du divertissement. Naipes (Cartes à jouer) pour une formation instrumentale type « Pierrot lunaire » ne nous éloigne guère de la scène, instaurant un « théâtre de sons » facétieux et rieur, sensuel et raffiné: musique de gestes très évocatrice (Portico), petites figures caressantes et drôles (Oh), scénettes animées et papillonnantes (Séduction, Arco), paraphrase alerte (Es ist genug), ces cinq microcosmes sont autant de situations de jeu renouvelant à l'envi les combinaisons instrumentales dans un climat oscillant entre tendresse et espièglerie.

Les musiciens servent avec beaucoup de finesse et de sensibilité cet art du timbre et de la délicatesse, des composantes inhérentes à l'écriture du compositeur dont la musique est toujours théâtre.

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