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Movement C, un voyage intime

Après Movement A et Movement B, poursuit dans Movement C son exploration du mouvement par la lumière stroboscopique et le son électronique.

Spectacle peu démocratique car interdit aux épileptiques, et pour cause, Movement C embarque le spectateur devenu pur individu dans un voyage intime autour de ses sensations primales. Sous les oscillations agressives d'un bombardement stroboscopique, une danseuse, Maureen Law, dont la performance improvisée au sol renvoie à un mouvement de douleur ou de jouissance, se tord et se détord en disparaissant sous la lumière crue. Son justaucorps imite la peau, elle est aussi nue que les sensations de celui qui la regarde puis cesse de regarder sans doute tant il est difficile de soutenir ce mouvement répétitif et lancinant quoiqu'accéléré par le balayage systématique de la lumière, tandis qu'un son électronique martèle le tableau comme un gong invasif, répétitif également jusqu'à l'épuisement.

La première partie de cette pièce extraordinaire se regarde donc sans se regarder, se vit plutôt comme une méditation en pleine conscience d'un nouveau genre. Elle vient chercher l'être au cœur de sa chair meurtrie par la lumière et le son, et l'invite à entrer dans une forme de transe, où corps et âme se mettent en marche dans le tableau. Ce dernier se matérialise dans une seconde partie en devenant écran, alors que la danseuse s'est éclipsée comme en rêve. Elle apparaît encore mais projetée en 3D, image numérique que nous captons en chaussant les lunettes qui accompagnaient le programme. Soudain le mouvement invasif prend tout son sens, le corps convulsif de la danseuse se déploie géant et s'avance vers nous, plus réel que lorsqu'il était présent en chair et en os sur scène dématérialisé par la lumière. opère sa magie ici à la congruence de ces espaces réels et surréels qui questionnent avidement notre rapport aux sens. A quel moment la perception est-elle la plus vraie, quand elle voit sans voir ce que le regard ne peut soutenir, ou quand elle voyage dans le corps surdimensionné sur l'écran que la 3D rend quasi tangible ?

Peu à peu l'image de la danseuse disparaît, faisant place à de l'eau ondulante, puis à un lac de lumière rouge orangée ressemblant à un champ de coquelicots fluorescents. Ce sont des rubis ou des coraux aussi, qui avancent vers nous lentement, poursuivant cette plongée en un imaginaire onirique à un pas du cauchemar. Le même son martèle toujours nos oreilles endolories, les images s'évanouissent dans un grand bain de lumière vive, tandis que tout mouvement s'arrête et que le silence est accueilli dans un grand soulagement.

L'artiste-compositeur laisse le public perplexe applaudir maigrement, tétanisé, ne sachant s'il a vraiment apprécié le voyage. Pour notre part, cette expérience restera d'autant plus belle et mémorable qu'elle propose une approche virtuelle unique de la danse, vécue comme portée par le son et la lumière, donnant à suggérer ce que seraient les dernières sensations lorsque tout se fond et se répond. Ce surréel tableau mouvant peut être rapproché de Listen profoundly, travail de l'artiste avec et Heiner Goebbels, invité de la Biennales Musiques en scène, au Musée d'Art Contemporain de Lyon jusqu'au 13 avril. Pour cette exposition commune, propose Land IV, 2008-2011, « une tentative pour créer l'illusoire : ce sentiment immersif et sublime de l'incertain, au moyen du son, des images virtuelles et du temps. », écrit-il, évoquant indirectement ce qu'il est totalement parvenu à faire dans Movement C, de l'art, du vrai.

Crédit photographique : MovementC © Pascal Chantier/Grame

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