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La belle Maguelone de Brahms au Musée d’Orsay

La belle Maguelone peut-elle encore nous convaincre, maintenant que l'œuvre de Ludwig Tieck (1797) n'est plus connue que des spécialistes, et que la légende médiévale est bien oubliée ? Oui, certainement, quand elle est défendue, comme au Musée d'Orsay, avec conviction.

Grâce à la vivacité du comédien luxembourgeois Luc Schiltz, l'obstacle de la langue allemande disparaît, et les quinze mélodies s'intègrent très naturellement dans le récit.

Les premiers lieder montrent moins convaincant. Non que le chant ne soit dès le début très châtié, mais sa vaillance sonne un peu empruntée. Sa belle voix semble volontairement assombrie, ce qui n'aide pas non plus, à froid, à varier les couleurs. Mais à partir du n° 6 (« Wie soll ich die Freude »), le chanteur exprime parfaitement l'alliance de la rhétorique courtoise avec les élans romantiques. Il faut ajouter à cela une diction impeccable, jusque dans les rythmes rapides du n° 10, d'une parfaite clarté.

Le chanteur est évidemment aidé par le relief du jeu d', qui tire profit des multiples contrastes intervenant au sein de chaque lied. Les parties plus proches d'un accompagnement proprement dit (comme le n° 9, le célèbre « Ruhe, Süßliebchen, im Schatten » ou la charmante sérénade du n° 13) sont également très bien traitées. Les tempos choisis sont pour la plupart assez mesurés, mais ils permettent une appréciable subtilité du détail.

La représentation dans son ensemble était donc une admirable réussite. Il est certes étrange que l'œuvre ne fonctionne bien que dans un dispositif non prévu par le compositeur, celui de la narration encadrant les poèmes. Elle contient en tout cas certains des lieder les plus complexes et les plus intéressants de Brahms, et cela devrait être une raison suffisante pour la programmer régulièrement.

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