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Antal Doráti maître du ballet

Opus Kura semble avoir un faible pour les gravures historiques des ballets de Tchaïkovski : après les belles versions pionnières européennes des trois ballets par Anatole Fistoulari, voici celles, plus complètes, de l'Orchestre Symphonique de Minneapolis (actuellement le ) sous la baguette talentueuse du grand chef hongrois , alors à peine engagé par Mercury Records. Ces deux chefs avaient effectivement en commun une affinité prononcée pour la musique de ballet, le premier en tant que chef d'orchestre des Ballets Russes de Léonide Massine dès 1933, le second comme chef associé puis directeur de la musique de ces mêmes Ballets Russes de Monte Carlo et, ultérieurement, de l'American Ballet Theater à New York.

Lorsque Wilma Cozart Fine (1927-2009), la productrice – ingénieur du son de Mercury Living Presence, s'est attelée à la mise en CD du prestigieux catalogue américain, elle s'est essentiellement centrée sur les enregistrements stéréo, et parmi les rares gravures mono restaurées, seul des trois ballets par le tandem Minneapolis-Doráti, le Lac des Cygnes fut rescapé en CD : on trouve cette superbe version de décembre 1954 dans l'imposant deuxième volume Mercury Living Presence. C'est donc tout à l'honneur du label japonais Opus Kura d'avoir parachevé le travail de Wilma Cozart Fine, en transférant les gravures Minneapolis-Doráti des deux autres ballets, La Belle au Bois dormant op. 66 (enregistré en avril 1955) et Casse-Noisette op. 71 (enregistré en décembre 1953).

La version de La Belle au Bois dormant est virtuellement intégrale – en fait la plus complète à l'époque – mais pas totalement : Doráti évite certaines reprises ou répétitions, notamment dans la Variation d'Aurore (n°8c, acte I) ou, plus discutable, dans le beau Panorama (n°17, acte II). Par ailleurs le transfert parfaitement équilibré d'Opus Kura à partir d'excellents microsillons EMI supprime 7 sec du tremolo aigu pianissimo des violons au tout début de l'Entracte symphonique (Le Sommeil, n°19, acte II), pratiquement inaudible car couvert par le bruit de fond du disque. D'un autre côté, Opus Kura a laissé telle quelle une curieuse erreur de montage de Mercury qui duplique une partie du Pas berrichon (Le Petit Poucet, ses frères et l'Ogre, n°27, acte III)…

Mais ce ne sont que détails par rapport à l'ampleur du projet pour l'époque et à l'interprétation globalement enthousiasmante, pleine de vie et parfaitement recommandable d'. Le chef devait particulièrement apprécier ce ballet, puisqu'il nous en donna par après – en janvier 1981 – une version stéréophonique avec le Koninklijk Concertgebouworkest d'Amsterdam chez Philips (4461662). Mais dans la version Minneapolis, même si l'orchestre est plus « à l'état brut » et la prise de son moins fignolée, il y a un sens de la découverte qui remporte d'emblée l'adhésion.

On pourrait en dire tout autant, et même plus, du tandem Minneapolis-Doráti dans Casse-Noisette op. 71, puisque cette fois, Doráti a réalisé deux autres gravures de l'œuvre : avec le London Symphony en juillet 1962 chez Mercury (présente dans le premier volume Mercury Living Presence), et avec le Concertgebouworkest en juin 1975 chez Philips. Mais Doráti fut certainement le tout premier à enregistrer l'œuvre complète en décembre 1953 pour Mercury, et là encore, on perçoit un enthousiasme évident de sa phalange américaine. Toutefois cette version du Minneapolis Symphony fait également l'impasse de certaines reprises, notamment dans la Danse du Gross-Vater (n°5, acte I, da capo manquant), le Palais enchanté du Royaume des Délices (n°10, acte II), l'Apothéose (n°15, acte II)… Mais cela, associé à des tempi vifs et nerveux, a finalement permis – sans que ni l'orchestre ni le chef ne l'aient prévu en 1953 – de caser tout le ballet sur un seul CD de plus de 80 min ! …

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