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Metz : Le double bill de Carmen et La Vida breve

On saluera tout d'abord l'idée de réunir, dans un décor unique et une même scénographie, deux partitions que tout semblerait opposer de prime abord mais qui, finalement, touchent toutes deux au plus profond de l'univers ibérique.

Les deux Suites de Carmen d'Ernest Guiraud, dans le dépouillement que leur confère le condensé de la version orchestrale, concentrent ainsi toute la composante tragique du chef-d'œuvre de Bizet et font fi des éléments d'espagnolade qui pourraient aller à l'encontre du drame. L'opéra de Falla, composé près de quarante ans après la Carmen de 1875, est au cœur même de ce tragique andalou qui ne cesse de nous fasciner. S'il appartient à un autre univers esthétique que l'opéra-comique français, les parallèles entre la passion amoureuse de Salud et celle de Carmen, toutes deux résolues dans la mort, font tout l'intérêt d'une confrontation qui se pose d'emblée comme une évidence. La rencontre du savant et du populaire, la croisée des chemins entre le réaliste et le symbolique, la présence d'une rare violence dans un univers faussement exotique sont bien la marque de fabrique de ces deux ouvrages.

Dans un tel contexte, le décor modulable d'Emmanuelle Favre, épuré dans sa simplicité mais réaliste de par le choix de ses accessoires, convient ainsi aussi bien au drame des deux histoires. Dans La Vida breve, des éléments symboliques forts comme les cierges de la fin du premier acte, la représentation de la Vierge immaculée sous forme d'azulejos, pour ne rien dire du symbole omniprésent de la colombe morte puis ressuscitée, servent à merveille un ouvrage court, on en conviendra, mais intense et poignant de la première note à la dernière.

Autant les danseurs pour Bizet que les chanteurs pour Falla s'investissent corps et âme pour la réussite de ce passionnant couplage. À l'académisme de la chorégraphie des Suites de Carmen, étonnant mélange de ballet classique et de tradition « music-hall », fait pendant le classicisme épuré de la mise en scène de La Vida breve. La beauté des éclairages contribue à la magie et à la force des images, véristes pour certaines et symbolistes pour d'autres. Côté chanteurs, on aura sacrifié la beauté sonore à la crédibilité dramatique. est ainsi une Salud dramatiquement et musicalement bouleversante, mais les irrégularités de son grand soprano ne lui permettent pas de remporter totalement l'adhésion. Inversement son Paco, le Canarien , convainc par un instrument juste et cuivré même si le chanteur se révèle malheureusement assez piètre acteur. Si l'on peut goûter également les jolies couleurs du ténor dans le rôle secondaire de la « voix de la forge », la prestation la plus satisfaisante est de loin celle de , bouleversante Abuela. Dans un rôle comme ce dernier, les inévitables trous dans la voix ne constituent en rien un handicap.

On aura gardé pour la fin la formidable prestation de l', galvanisé par son chef attitré . Autant dans les Suites de Carmen que dans l'opéra de Falla, la beauté et la violence des couleurs orchestrales ont envoûté le spectateur durant toute la soirée. Même le Chœur de l'Opéra de Metz Métropole, parfois le point faible des soirées messines mais ici considérablement renforcé, laissera le souvenir d'un spectacle intense et riche en émotions.

Crédit photographique : La Vida breve – Metz © Williams Bonbon – Metz Métropole.

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