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Guennadi Rojdestvensky offre une magistrale Quinzième de Chostakovitch

Si on en croit le calendrier des concerts de l', le mois d'octobre est celui des soirées thématiques. Ainsi donc, après l'Espagne la semaine dernière et en attendant Richard Strauss la semaine prochaine, voici venir la soirée russe dont les clés ont été remises à Guennadi Rojdestvensky, une des dernières légendes russes de la baguette.

Avantage immédiat, un programme original, même si à la découpe classique, enchaînant une courte pièce de Liadov, un concerto de Glazounov et une grande symphonie de Chostakovitch.

Impossible de ne pas succomber au talent de compositeur en écoutant son Fragment de l'Apocalypse qui, même s'il nous fait par moment penser être plongés au cœur d'un épisode du Ring wagnérien, nous emporte avec lui dans un seul souffle, nous laissant présager, à voir et entendre la concentration et l'engagement de l'orchestre, qu'une fort prometteuse soirée venait de s'ouvrir.

Reconnaissons qu'avec le Concerto pour piano n°1 d' qui enchaîna immédiatement (le grand piano de concert étant déjà à sa place pendant l'ouverture, aucune manipulation ni changement de plateau ne retarda le lancement de l'œuvre) on resta sur un haut niveau d'exécution. Fortement d'influence lisztienne, l'Allegro moderato initial commence fort bien mais peine quelque peu à se développer de façon franche et évidente. On y sent comme un déficit d'inspiration thématique, faisant ronronner le concerto plus que rugir. Et ce malgré la force d'engagement de , également épouse et partenaire musicale de longue date du chef, aucun hiatus n'étant évidemment perceptible entre la direction et la partie soliste.
Le second mouvement est une suite de variations, apportant un surplus de contrastes et d'animation sans nous sembler décisif pour autant. Finalement assez rare dans les programmations, ce concerto dérouta manifestement une partie du public qui en sentit venir la conclusion de façon prématurée, déclenchant des applaudissements à la fin du premier mouvement mais aussi entre certaines des variations du final, ce qui fut plus gênant pour les interprètes qui assurèrent avec un professionnalisme à toute épreuve. Cédant à la tradition du bis, revint à Liadov, apportant une touche d'humour fort bien venue, avec une Tabatière à musique toute en légèreté.

On se doutait que l'ultime symphonie de Chostakovitch allait être le grand moment de la soirée, ce qui parfois engendre déception ou mauvaise surprise, mais point ce soir où l'exécution que nous offrirent chef et orchestre y fut remarquable. Typique de ce chef, sans aucun doute, faisant qu'elle ne fait oublier aucune autre des grandes interprétations qu'on peut avoir en mémoire, mais passionnante à écouter même si on put ressentir parfois un léger déficit expressif, qui ne gâcha pas la réussite globale. D'une rigueur rythmique dans relâche l'Allegretto initiale impressionna franchement, sa tonalité ironique et sombre prenant le dessus, même lors des citations de Rossini. Tenu de main de maître avec une battue claire autant que minimaliste, indiquant les départs, parfois un début de rythme, mais jamais une expression, l'orchestre fit preuve d'une concentration et d'une écoute mutuelle, indispensable dans ces circonstance, quasi irréprochable. On ne s'étonnera pas que cela donna à cette interprétation un caractère très décanté mais, heureusement, jamais décortiqué, d'une homogénéité et d'une rigueur sans faille, faisant parfois froid dans le dos, inquiétant, implacable. Si, dans d'autres œuvres, cela pourrait s'avérer pénalisant ou réducteur par excès d'uniformité, cela fonctionnait ici à merveille et capturait l'attention de l'auditeur même dans les parties Adagio au tempo très retenu. Seul le final nous sembla, justement car trop uniforme, manquer de contraste et de nuance dans sa succession de passages Adagio – Allegretto, le côté glacial et quasi chirurgical de sa fameuse conclusion nous paru cette fois aller un poil trop loin. Cela resta néanmoins une interprétation magistrale de cette ultime symphonie de Chostakovitch, avec un excellent et de superbes interventions solistes, le violon de simple et lumineux, le violoncelle poignant d'Eric Picard, et le nouveau premier trombone solo Jonathan Reith qui nous impressionna franchement, le chef le fit d'ailleurs lever en premier lors des applaudissements qui furent fournis aussi bien de la part de ses collègues musiciens que du public, et c'était bien mérité.

Crédit photographique : Guennadi Rojdestvensky © The Moscow State Philharmonic

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