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Retour au pays pour Jean-Marie Leclair

Sébastien d'Hérin donne une version trop sage de l'unique opéra de , qui vaut surtout pour les deux chanteurs principaux.

Après un concert à l'Opéra Royal de Versailles au début du mois, c'est la chapelle de la Trinité qui accueille l'unique opéra conservé du compositeur lyonnais tel que remis sur le métier par de Sébastien d'Hérin. Le phénomène est assez récent, attendu et très bienvenu : un pionnier du renouveau baroque, il y a quelques décennies, avait fait renaître une œuvre oubliée – en l'occurrence, John Eliot Gardiner, via un enregistrement Erato ; aujourd'hui, des ensembles établis ou plus récents viennent revisiter ces premiers essais, avec un bonheur plus ou moins grand.

Ce sont, sans grande hésitation, les interprètes du couple éponyme qui constituent le grand atout de la soirée : découverte et universellement louée pour son Elena de Cavalli à Aix et ailleurs, Emöke Baráth n'est pas entièrement à l'aise avec la langue française, mais sa délicate sensibilité et la chair généreuse de sa voix font merveille ; Anders Dahlin, lui, a toujours une diction remarquable, qui n'est pas qu'une juste prononciation mais un art de porter les mots et de leur donner toute leur force, et hors quelques problèmes d'intonation sa voix de vraie haute-contre fait merveille ici.

Plusieurs interprètes des nombreux petits rôles convainquent tout autant, à commencer par Marie-Frédérique Girod avec son soprano léger et fruité ; cependant, ces points forts ne sauraient masquer les limites de la soirée, qui ne parvient pas à dépasser les paradoxes de la version de concert. C'est à la fois le théâtre qui fait défaut et le brillant de l'orchestre du premier violoniste de son temps. Ce qui manque en matière dramatique n'est pas tant les intentions que la construction d'une tension sur l'ensemble de la soirée, ou pour le moins sur l'ensemble d'un acte, ou pour le moins sur le parcours émotionnel d'un air : celui de Circé à la fin de l'acte II manque tellement de tension que la démonstration de virtuosité finale tombe entièrement à plat. Dans ce rôle, dispose d'une voix agréable et bien conduite, mais elle est trop peu soutenue par l'orchestre pour parvenir non seulement à émouvoir, mais surtout, plus gravement, à donner corps à la menace tragique qui pèse sur les deux amants. Il n'est jamais mauvais de faire réentendre une musique aussi rare, et on a à plusieurs moments de la soirée l'occasion d'admirer le talent singulier de Leclair, mais la concurrence, ici, n'est pas à la hauteur de l'acte fondateur de la redécouverte.

Crédit photographique: à la Trinité © Claude Juin

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