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Vivica Genaux et Simone Kermes en duo de choc

Le public luxembourgeois attendait avec impatience la confrontation entre les deux grandes divas du baroque, la radieuse et la bouillonnante . Egalité parfaite pour une confrontation au sommet. Chacune des deux divas reste à la hauteur de sa réputation.

Le programme de ce concert était destiné, par des choix musicaux plutôt originaux, à évoquer la rivalité entre les deux grandes cantatrices des années 1720, les fameuses Francesca Cuzzoni et Faustina Bordoni. Fortement associées à la musique de Haendel, ces dernières se sont en effet également illustrées, en leur temps, dans des œuvres de compositeurs aussi divers que Hasse, Ariosti, Bononcini, Porpora, Vinci, Pollarolo, et bien d'autres encore.

Dans leurs récents récitals discographiques, Genaux et Kermes se sont par ailleurs déjà clairement identifiées, mais de manière séparée, à leurs illustres devancières. Le mezzo chaud et virtuose de la première, capable de la plus grande agilité dans le haut de la voix, semble en effet convenir idéalement aux rôles écrits pour la Bordoni, le tempérament volcanique de la seconde, mais aussi son sens du phrasé, du chant legato et du cantabile, épousant à la perfection les lignes vocales autrefois conçues pour la Cuzzoni. Les attentes du public ont-elles pour autant été comblées ?

Chacune des deux artistes aura en tout cas été fidèle à sa réputation. Chargée de l'honneur de démarrer le concert, fait valoir dès son air d'entrée la chaleur et la rondeur de ses graves, ainsi qu'une vocalisation toujours aussi homogène sur toute l'étendue de la voix. L'instrument, qui a toujours été de taille moyenne, se met au service d'une musicalité sans faille, d'un sens de la caractérisation toujours adapté et d'un bon goût qui ne se voit jamais démenti. L'instrument de a sans doute un peu plus de volume, mais il reste toujours aussi pauvre en harmoniques dans le médium et dans le grave de la voix. Les fameux aigus et suraigus filés restent cependant d'une beauté indicible, et la technique de la messa di voce imbattable. Concernant les qualités de « performeuse » de la célèbre ba-rockeuse, une partie du public restera sans doute résolument allergique aux mimiques et aux simagrées qui entachent l'interprétation de certains airs, notamment les airs virtuoses à vocalisation rapide. Nul besoin, il nous semble, de taper du pied ou de claquer dans les mains pour insuffler à la musique baroque l'énergie qui la caractérise. La Cuzzoni, que l'on sache, n'était ni Madonna ni Nina Hagen !

On pourra contester également le manque d'authenticité, pour ne pas dire le mauvais goût, de certaines ornementations outrancières. Heureusement, dans les airs lents et mesurés qui permettent à la musique d'aller droit au cœur – le célèbre « Piangero » de Cléopâtre ou le moins connu « Villanella nube estiva » composé par Giacomelli –, la Kermes touche au sublime. À ces moments de réelle émotion, le contraste entre la sobriété de l'expression et le ridicule de l'accoutrement – une robe à panier rose bonbon, découvrant sur le devant une mini-jupe en dentelle… – n'en est que plus saisissant. Le concept de la soprano-clown, autrefois initié mais vite délaissé par Patricia Petibon, est décidément lourd à porter ! Inutile de dire que dans leurs deux duos – des petits miracles d'humour, à la mise en scène savamment orchestrée – nos deux chanteuses ont fait un triomphe. Des bis généreux – un duo de Haendel, des extraits d'Abba puis la baracarolle des Contes d'Hoffmann – ont complété un concert riche en émotions et qui, assurément, ne laissera personne indifférent. Sans doute aurait-il pu être consolidé par un orchestre un peu plus investi qu'une Capella Gabetta assez peu concernée. Il est vrai que le match vocal que tout le monde attendait laissait assez peu de place, malheureusement, à l'accompagnement orchestral.

Crédits photographiques : et   photo 1 © Sébastien Grébille ; photo 2 © Gregor Hohenberg

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