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Josef Nadj à Dijon : paysage inconnu ?

Deux danseurs, deux musiciens sortis de la nuit noire de la scène : tout un symbole ! aime cette non-couleur qui était celle de son précédent spectacle, « Les Corbeaux » : teinte du mystère des profondeurs, teinte de la nuit qui favorise les fantasmes et l'introspection.

Coup de projecteur aussi sur le couple, sur le double, sur les rapports forts qui doivent s'établir entre les musiciens et les danseurs, entre ceux qui improvisent, donc qui fonctionnent miraculeusement en symbiose…

Tout commence comme un conte pour enfants : qui est cette boule blanche qui se transforme en visages de bonhomme de neige, tour à tour souriant ou grimaçant puis qui s'étiole au gré du vent que soufflent les musiciens ? En fait, c'est l'anticipation humoristique du propos tenu par le chorégraphe : comment s'établissent les rapports entre l'homme et ses congénères, entre lui et son Moi, entre ce bipède et les animaux, entre l'humain et la Nature, entre ce qui est à première vue contradictoire, le blanc et le noir, le Noir et le Blanc, entre l'artiste créateur et son œuvre ?

Ces questions sont posées dans le jeu des deux danseurs, dans des séquences qui s'enchainent comme une suite musicale, dans des danses tour à tour agitées ou lentes initiées par la musique. Celle-ci fait penser déjà au jazz, dont elle possède l'aspect percussif et aussi les « riff » de clarinette basse ou de sax, mais elle évoque aussi dans des bribes de mélodies les chants des plaines d'Europe centrale. Les timbres de la percussion sont originaux, car les interprètes ne dédaignent pas, par exemple, d'utiliser à contrario l'archet qui peut frotter sur le rebord d'une baignoire ! Les bruits de souffle dans le tuyau des vents accompagnent fort à propos des moments cruciaux de la danse, qu'ils soient dans l'effort ou dans la détente.

Les costumes de ville gris sombre que portent les deux danseurs durant une grande partie du spectacle, ainsi que les bas nylons qui amoindrissent les traits de leurs visages, mettent en valeur leurs mains et leurs pieds soulignés par des jeux de lumière subtils. Les corps se meuvent tout d'abord comme si l'un était le miroir de l'autre ; ce jeu de double s'exprime aussi bien dans la fureur que dans une sorte d'étonnement, en privilégiant souvent une sorte d'arrêt sur image : on goûte alors le plaisir de la posture harmonieuse, car possède un sens inné de l'esthétique. Puis, le miroir du tandem semble se briser pour faire place à l'affrontement, à la lutte parfois sans merci, comme dans le passage « colonialiste ».

Dépouillés de leurs vestes, le couple propose désormais des postures plus détendues : est-ce pour dire que le vernis de la civilisation doit parfois céder le pas à la nature profonde de chacun ? Peut-être pour retrouver un peu de l'enfant qui est en nous ? Après avoir soulevé un pan du voile, on retrouve la nuit originelle…

Crédit photographique : © Séverine Charrier

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