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Maurizio Pollini ou le piano impérial

Si tant d'interprètes ont tenu à se mesurer à cette bible du piano que sont les 32 Sonates de Beethoven, c'est que par leurs exigences techniques et artistiques, les principales d'entre elles ont ouvert la voie à la littérature pianistique romantique de manière péremptoire, et sans elles ni Schubert, ni Schumann, Brahms, Liszt et autres n'auraient été ce qu'ils sont.

Nombreux pianistes ont honoré le génial corpus beethovenien, à commencer par Arthur Schnabel, le pionnier en 1937, qui nonobstant la qualité technique dépassée de l'enregistrement, reste la référence à laquelle ont dû se confronter les suivants : Yves Nat, Claudio Arrau, Vladimir Ashkenazy, Wilhelm Backhaus, Paul Badura-Skoda, Daniel Barenboim, Alfred Brendel, Aldo Ciccolini, Annie Fischer, Friedrich Gulda, Wilhelm Kempff, András Schiff, entre autres, certains ayant même enregistré l'intégrale plusieurs fois.

Comme beaucoup de ses collègues musiciens, a pris tout son temps – le temps de la méditation et des interrogations – pour mener à bien son projet, et le résultat est flamboyant. Né à Milan en 1942, son parcours artistique est relativement atypique, car il n'envisage pas vraiment de carrière artistique au départ, tout en suivant des cours particuliers avec divers professeurs. Dès 1957, il est remarqué pour son interprétation des Études de Chopin (à 15 ans !) qu'il immortalisera chez DG en une gravure de 1972 devenue légendaire. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien qu'il remporte en 1960 le Prix Chopin de Varsovie avec accolade du Président du jury, Arthur Rubinstein. Mais contrairement à toute attente, Pollini effectue alors une retraite méditative durant laquelle il reçoit l'enseignement de celui qui l'influencera sans doute le plus : Arturo Benedetti Michelangeli (1920-1995). Le résultat sera le début d'une carrière internationale fulgurante au cours de laquelle il met souvent ses dons artistiques au service de la musique contemporaine.

Pour le répertoire classique et romantique, il effectue un travail intellectuel remarquable respectant le texte au plus près, tout en livrant des interprétations de grande intensité. C'est ce travail qui a permis à Pollini de se confronter d'emblée, dans les années 70 pour le disque, aux toutes dernières Sonates de Beethoven (n°28 à 32) avec plénitude, puissance et rigueur sans pareilles. Ensuite, peu à peu, Pollini a bâti patiemment son intégrale beethovenienne avec les mêmes qualités et la même honnêteté artistiques, jusqu'aux Sonates op. 31 et op. 49 enregistrées en juin 2014.

Le seul point un peu regrettable de cette édition, mais qui n'enlève absolument rien à sa qualité artistique, est que deux Sonatesn°12 en la bémol majeur op. 26 et n°21 en ut majeur « Waldstein » op. 53 – réparties sur deux CDs, ont été enregistrées en 1997 en public, alors que toutes les autres le sont en studio, ce qui dépareille quelque peu l'ensemble du point de vue technique, d'autant que l'écoute en continu de chacun des deux CDs en question est perturbée par de longs applaudissements de fin de ces deux sonates, bruits extra-musicaux que l'on a cru bon laisser par purisme mal placé, tout comme ces toux intempestives…  Il aurait mieux valu enregistrer, soit tout en public, soit tout en studio, mais certainement pas de la sorte, de façon hybride.

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