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Double testament Beethoven – Furtwängler

Ce testament phonographique de Furtwängler de 1954 envers le testament symphonique beethovénien est à chérir et à méditer à chaque audition, mais le recours par Audite aux bandes originales est – paradoxalement – discutable.

Avec une centaine d'exécutions recensées de la Symphonie n°9 en ré mineur « Ode à la Joie » de Beethoven sous la baguette de , l'immense chef d'orchestre allemand s'est littéralement approprié l'œuvre grandiose de son compatriote, à laquelle il apportait toujours de façon convaincante sa vision très subjective. De tout cela, il nous reste une douzaine d'enregistrements, dont trois sortent du lot : celui dirigé à Berlin en 1942 devant un parterre de personnalités nazies, celui de 1951 (le plus célèbre) à l'occasion de la réouverture du Festival de Bayreuth, et enfin, dernier en date et objet de ce CD, celui du 22 août 1954 lors du Festival de Lucerne, avec l'admirable de Londres qui y est pour beaucoup dans l'homogénéité et la précision orchestrales supérieures aux deux autres versions. Trois mois plus tard, le 30 novembre 1954, Furtwängler décédait, affaibli par les dures épreuves de la Guerre, et déprimé en raison d'une ouïe gravement déficiente et une broncho-pneumonie mal soignée.

Ce testament phonographique de Furtwängler envers le testament symphonique beethovénien est à chérir et à méditer à chaque audition : tempi très larges, le premier mouvement Allegro ma non troppo e un poco maestoso, d'une puissance grandiose, est vraiment non troppo (18'00) ; le troisième mouvement Adagio molto e cantabile – Andante moderato, extatique et comme improvisé, est vraiment molto et moderato (19'50) ; chœur et solistes exceptionnels, dont et qui participaient déjà à la version de Bayreuth 1951.

Cette production Audite, se recommandant systématiquement de l'utilisation des bandes originales de première génération de la Radio Suisse, nous laisse un peu perplexe : c'est en effet pousser le purisme un peu loin de laisser intégralement le silence et les bruits du public entre les deux premiers mouvements (39 secondes !), cela frise le ridicule et ne résiste pas à l'avantage de l'audition répétée du CD ; ensuite, le filtrage excessif du bruit de fond de bande (péché mignon de bien des labels allemands historiques) rend souvent le son très fragile, notamment au début du mouvement lent. Paradoxalement, revenir aux bandes originales, plus anciennes et fragilisées, n'est pas toujours garantie de qualité plus grande que partir de bonnes copies de deuxième génération plus récentes et très souvent en meilleur état, et c'est pourquoi l'édition Tahra (SACD FURT2001), non filtrée et amputée judicieusement du silence interminable précité, est nettement préférable par sa pureté sonore impeccable.

Il est illusoire de vouloir à tout prix ramener techniquement une captation historique des années 50 aux standards d'un enregistrement numérique actuel : c'est de la poudre aux yeux, et les vrais mélomanes le savent et ne sont pas dupes.

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