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Fabio Biondi, virtuose à la Ville

au théâtre de la Ville dans un récital de sonates pour violon italiennes de la première moitié du XVIIIe siècle et dans une salle dont il est familier depuis plus de deux décennies. Un grand moment musical.

Le concert s'ouvre par une sonate de Vivaldi très courte, dite « du manuscrit de Dresde » (RV 34). Elle n'était pas annoncée en premier dans le programme, et gageons que peu de spectateurs ont reconnu la musique du Prêtre Roux. veut signifier par là que, parmi les compositeurs italiens ayant particulièrement honoré le violon dans le premier XVIIIe siècle, Vivaldi est sur une voie bien à part, une impasse en quelque sorte.

Le compositeur vénitien évacué, déroule la pelote de Corelli et de ses successeurs. Geminiani, un de ses principaux élèves, qui s'est ouvert aux influences françaises. Tartini, fondateur d'une école à Padoue. Veracini, qui a promené son talent et sa folie présumée à travers l'Europe. Et enfin Locatelli, réputé le plus grand virtuose de son siècle. C'est qu'il les connaît, les admire, et prend un grand plaisir à partager avec le public, entre chaque sonate, son enthousiasme, son érudition, et de petites anecdotes réjouissantes à propos de ces compositeurs hauts en couleurs.

Mais son verbe n'est pas seul à briller. Accompagné par très à son aise au clavecin et visiblement habituée à le suivre dans toutes ses libertés d'interprétation, Biondi déroule l'étendue de son talent de manière éclatante. Dans la fameuse Sonate op. 5 n° 9 de Corelli, il ajoute une grande finesse dans les nuances, peu commune mais tout à fait bienvenue. Chez Geminiani (Sonate op. 4 n° 8) et Veracini (chaconne de la Sonate Académique op. 2 n° 12), il restitue avec bonheur la grande variété d'effets et d'affects présente dans cette écriture nerveuse, inventive, colorée ; ainsi chez Geminiani, on croit parfois entendre Lully, alors qu'à d'autres moments on a l'impression d'être égaré dans une sonate ou une partita pour violon seul de Bach, sans jamais déceler pourtant la moindre trace de pastiche. Dans la sonate dite de manière apocryphe “Didone abbandonata” op. 1 n° 10G de Tartini, Biondi rend bien les trois sentiments de Didon figurés par chaque mouvement, le désespoir, la haine et la mélancolie, mais sans en rajouter, sans faire de figuralisme facile, et sans tirer sur le métronome malgré l'indication Presto du deuxième. Enfin, avec la Sonate op. 6 n° 12 de Locatelli, c'est le feu d'artifice final, mais un feu d'artifice d'une rare finesse.

Fabio Biondi ne donne jamais l'impression d'en faire trop. Peu de grands gestes, une posture très stable, une impression de tranquillité, qui contrastent avec son incroyable agilité, la très grande vivacité de son jeu, la finesse de ses nuances et de son ornementation. Tout semble facile, et le public du Théâtre de la Ville n'en a que plus de plaisir. Fabio Biondi nous rappelle cette évidence : la virtuosité, ce n'est pas seulement jouer vite beaucoup de notes.

Crédits photographiques : Fabio Biondi © Emile Ashley

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