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Un Brahms crescendo ma non tanto du Philharmonique de Vienne

En ayant choisi deux programmes 100% Brahms, le prestigieux jouait peut-être un de ses compositeurs de prédilection, il n'empêche que ces deux soirées, mollement commencées, allant peut-être crescendo jusqu'à la fin mais pas tant que ça, ne resteront pas mémorables.     

On oubliera vite cette Symphonie n°2 qui lança ces deux concerts tant elle nous paru peu palpitante, avec un orchestre presque méconnaissable, à l'exception de ses cordes, et encore. Avec des bois phrasant platement et des cuivres franchement ternes, voire à peine concernés, et en manque de précision, on n'eut jamais l'impression d'entendre un des meilleurs orchestres du monde, loin s'en faut. La faute sans doute au chef qui échoua à donner du sens et imprimer une progression au long premier mouvement, interminable ce soir à force de faire du surplace. Si les trois mouvements suivants, plus concentrés, souffrirent moins, ils ne furent pas vraiment plus captivants et ne sauvèrent pas cette version vide de chair et  de sens.

Avec son aspect plus abstrait, moins romantiquement narratif, on se dit que la Symphonie n°4 qui suivit après l'entracte risquait de mieux fonctionner et c'est ce qui se produisit. On y sentit l'orchestre plus impliqué, comme s'il comprenait mieux où le chef voulait aller. Cette foi-ci le premier mouvement, Allegro ma non troppo, progressa bien dans un tempo juste. Correctement rythmé, il manqua de cette pulsation si typiquement brahmsienne entre temps et contretemps, entre flux et reflux pour complètement convaincre. Un peu trop droit tout ça mais bien moins plat que la Symphonie n°2. Si le chemin qui conduisit au final fut tout aussi droit, le chef ne put s'empêcher de mettre dans cette géniale passacaille un surcroît d'intentions souvent paradoxales, serrant la vis dans des variations où il fallait sentir plus de liberté, ajoutant rubato et accents lorsqu'il fallait rester simple. Si nous sortîmes de cette symphonie moins dépités qu'avec la précédente, nous n'étions pas au sommet attendu quand même. En bis nous eûmes sans surprise une Danse hongroise de Brahms, mais pour une fois une des moins galvaudée, la n°20 en mi mineur dont le Poco Allegretto impeccablement dense et le Vivace virevoltant fut le meilleur moment de la soirée.

Si le premier soir le Théâtre des Champs-Élysées était loin d'être rempli, il faut croire que le programme du second soir avec un des plus beaux concertos du répertoire et un grand soliste suivi de la très beethovénienne Symphonie n°1 fut bien plus attrayant puisque la salle était quasi comble. Reconnaissons que le public parisien eut le nez creux car ce second concert fut de meilleur niveau. C'est au pas mesuré que lança l'introduction du concerto pour violon avec un orchestre qui avait gagné en cohésion depuis la veille. Évitant les emportements romantiques, pas forcément hors de propos ici, le chef imprima une certaine douceur paisible à son interprétation qui fut en parfait accord avec le jeu de Leonidas Kavakos. Le violon lumineux de ce dernier restait sobre dans sa recherche d'émotion sans tomber dans l'austérité. Moins infaillible dans sa justesse et sa précision que dans ses meilleurs soirs le violoniste captiva néanmoins l'attention par ses phrasés élégants et sa capacité à maintenir la tension tout en douceur à l'exception, comme il se doit, de la plus franche jubilation du final.

Mais ce n'est vraiment qu'aux premières mesures de la Symphonie n°1 que nous eûmes la sensation de retrouver pleinement nos Wiener Philharmoniker. Élan, engagement, cohésion, plénitude sonore, dynamique plus franche, voilà ce que nous offrait enfin cet orchestre où bois et cuivres rejoignaient le haut niveau des cordes. Il y eut bien ici où là des accents trop appuyés, quelques lourdeurs trop évidentes, quelques rubato manquant de naturel ou des sommets d'intensité pas aussi puissants qu'espérés, mais au moins la symphonie tenait debout, n'ennuyait jamais et procurait enfin un réel plaisir sonore. Qui persista dans une jouissive Danse hongroise n°1 offerte en bis concluant en beauté deux soirées plus mitigées qu'exaltantes.

Crédit photographique :  © Eric Brissaud

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