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Vertigineux Christophe Bertrand

Cet album monographique en hommage au compositeur prodige – le premier depuis sa disparition en septembre 2010 – couvre dix années de sa production.

nous a quittés en 2010, il avait 29 ans. Pianiste et compositeur précoce, ce musicien incroyablement doué fut l'élève d'Ivan Fedele (classe de composition) au Conservatoire de Strasbourg dès l'âge de 15 ans. Il laisse quelque trente oeuvres inscrites à son catalogue.

Regardant vers Ligeti et les compositeurs spectraux, sa musique, toujours savamment conduite, relève d'un geste virtuose jouant sur les combinaisons métriques et le raffinement sonore des textures.

Sorti sous le Label Motus, cet album réunit trois pièces solistes aux côtés d'oeuvres pour petite formation sollicitant l'ensemble strasbourgeois in Extremis – dont fut le co-fondateur – et l'.

C'est Christophe Bertrand qui est au piano dans La chute du rouge, une oeuvre pour petit ensemble de 2000 au titre qui interpelle – c'est aussi celui de l'album – et qui nous attache d'autant. Enregistrée en concert en juin 2002, l'oeuvre s'inspire de la toile éponyme de Philippe Cognée. Comme dans Skiaï (1999), on y ressent une certaine liberté formelle ménageant des cadences solistes et des plages sonores d'une grande sensibilité, voire de sérénité qui semble disparaître par la suite. Redoutables pour les interprètes, les trois pièces solistes déploient quant à elles une virtuosité qui stimulait l'écriture du compositeur.

Ektra (2001) dont est interprète et dédicataire, exige tout à la fois énergie et détails de l'articulation au sein d'une trajectoire ludique multipliant les processus. Courte et sans répit pour l'altiste Vincent Royer, Arashi (2008) traduit cette même obstination du mouvement qui créer l'illusion de la polyphonie. Haos (2003), chef d'oeuvre né sous les doigts du pianiste virtuose, est une pièce solaire autant que violente dans son éclat: l'écriture s'éploie en polyphonies flottantes et arborescences somptueuses dans un geste délié – celui de Maxime Springer – et d'une grande fluidité.

Treis, la première pièce de cet album, est écrite à 19 ans. Elle témoigne d'une imagination presque effrontée de la part du tout jeune compositeur qui façonne la matière à son désir. La deuxième section, délicate et sensuelle, semble rejoindre le mystère des Nocturnes de Bartok.

Satka (2008), seule pièce dirigée, est aussi la plus impressionnante par l'univers sonore qu'elle génère. Ce « Presto delirando » dont le geste d'une velléité presque inquiétante décuple la vitesse, préfigure Scales pour grand ensemble. Dans une articulation toujours extrêmement fine et incisive, Bertrand recherche la fusion des timbres et engendre des sons complexes inouïs. A la tête de l', communique énergie et fulgurance, deux vecteurs de l'écriture du compositeur que l'ensemble des pièces de ce précieux album érige en style.

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