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Argerich et Barenboïm : stars à Paris

Argerich, Barenboïm, Berlin (même si « seulement » la Staatskapelle), voilà qui annonçait une soirée de stars attirant la grande foule à la Philharmonie de Paris. Ce concert n'aura finalement pas déçu.

Contrairement à ce qui avait été prévu initialement c'est bien le Concerto pour piano n°1 (et non le second) qui était au programme ce soir. On ne s'en plaindra pas, cet opus 15 nous permettant d'entrer encore plus fermement dans l'univers beethovénien que son suivant au catalogue. Ne tournons pas autour du pot c'est d'abord qui nous a captivés ce soir avec un jeu engagé, dynamique, vivant, où chaque phrase s'imposait comme une évidence. Il y a d'autres façons de faire, sans aucun doute, et la pianiste argentine elle-même l'a prouvé par le passé, avec Claudio Abbado à Pleyel par exemple, mais aussi bien hier qu'aujourd'hui, l'intelligence du texte reste constante, l'éloquence juste, l'équilibre des voix parfait. Le tout sans jamais sacrifier une qualité à une autre, rien ne se retranche, tout s'ajoute au plus grand bonheur de l'auditeur. Avec un jeu plus vigoureux et peut-être moins poétique qu'avec Abbado, la pianiste enleva une nouvelle fois ce concerto de main de maître, débutant réellement con brio l'Allegro con brio initial tout en préservant de subtiles évolutions qui évitèrent toute répétition, propulsant ce mouvement constamment vers l'avant. Le chef et son orchestre lui offrirent un fort bel accompagnement, très classique de ton et de forme, donnant à chaque mouvement sa personnalité. Peut-être n'avons pas retrouvé dans le Largo le magique dialogue instrumental entre les bois et le piano que nous avions noté avec Abbado, en revanche le Rondo final, moins dévoilé dès sa première phrase qu'alors, se développa plus progressivement, déclenchant un tonnerre d'applaudissements d'un public conquis. On le sait, la pianiste argentine ne souhaite plus se produire en solo, qu'à cela ne tienne, le bis sera joué à quatre mains avec un Daniel Barenboïm à la droite du clavier pour le Rondo à quatre mains D.951 de Schubert, jolie pièce, peut-être un peu tranquille et longuette pour un bis.

Sortant tout juste d'une nouvelle production berlinoise de Parsifal avec sa Staatskapelle dans une mise en scène de Dmitri Tcherniakov, Daniel Barenboïm nous en proposait ce soir deux extraits symphoniques. Peut-être effet du théâtre, même si nous ne l'avons vu qu'à travers la lucarne télévisuelle, il nous sembla que l'interprétation de ce soir était un poil plus désincarnée, pour tout dire moins captivante qu'à l'opéra. La lenteur du Prélude n'était peut-être pas assez compensée par l'intensité des phrasés et L'Enchantement du vendredi Saint ne nous fit pas monter au ciel. Comme si une baisse de tension avait eu lieu dans ce concert entre un beau Beethoven et la brillante exécution des Notations qui allaient suivre. Car on y retrouva un orchestre formidable de précision, d'élan, de timbres, et une baguette inspirée, ne l'oublions pas, créatrice de ces œuvres (en 1980 à Pleyel avec l'Orchestre de Paris pour Notations I-IV, et en 1999 avec l'Orchestre Symphonique de Chicago pour Notation VII). S'il y eu quelques départs de spectateurs à la fin du Wagner, ceux qui restèrent firent un triomphe à cette exécution, faisant bisser, après une petite allocution du chef qui rappela, non sans humour, la création à Pleyel, la très dynamique et stravinskienne Notation II.

Crédit photographique : © Gettyimages

 

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