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Apprendre en s’amusant avec Shirley et Dino au festival de Montpellier

La comédie est un art difficile. Ce qui amuse aujourd'hui peut demain ne plus faire rire, par manque de références. Ainsi, ce Don Quichotte chez la Duchesse, racontant l'histoire d'une aristocrate tentant d'humilier par tous les moyens le chevalier à la triste figure, pourrait de nos jours sembler d'une cruauté inouïe, pas drôle pour un sou.

C'est là qu'intervient le formidable talent de Corinne et (Shirley et Dino), qui parviennent à faire se tordre la salle entière tout au long de la soirée. Les parties parlées qui lient la musique, définitivement perdues, ont été réécrites d'une main légère et impertinente, et complètement au fait de la culture du XVIIIe siècle. Dans un vocabulaire et des situations choisis, la féroce Duchesse se transforme en nymphomane insupportable, contenue à grand peine par son époux (rôle parlé, tenu par ) Les décors et les costumes, totalement foutraques, ajoutent à l'ambiance. Le chef est grandement mis à contribution, tantôt chantant une petite chanson débile, tantôt déguisé en matador, jouant des castagnettes auprès d'une célèbre chanteuse espagnole () On rit de bon cœur et sans retenue, n'était-ce pas le but premier à la création de cet ouvrage ?

Certains avaient reproché, lors de la première mise en scène opératique du couple infernal, King Arthur, en 2008, une overdose de gag au détriment de la musique. Il semble qu'il ait trouvé cette fois la juste proportion, car les éclats de rire ne se font pas au détriment de la musique, et on a ainsi l'occasion de découvrir une œuvre fort jolie. Dans la tradition du ballet-comique, les airs sont courts, avec un langage musical soutenu pour Don Quichotte et pour la Duchesse, plus trivial pour Sancho Pança. Les grandes surprises sont dans une orchestration particulièrement raffinée, et la résolution des airs en duos ou trios.

Au plan de l'interprétation, domine le plateau, avec une belle maîtrise des codes du genre. En Don Quichotte, ne convainc pas tout à fait, la voix tirée et manquant de la prestance inhérente au chevalier. est l'agréable rondeur requise pour Sancho Pança. Il suffit des quelques phrases de plusieurs rôles secondaires à pour s'imposer par son charme et la beauté de sa voix. Tenant également les parties de différents personnages, Joăo Fernandes est aussi bien chantant que désopilant.

Mais les grands triomphateurs de la soirée, mis à part les géniaux metteurs en scène, sont le chœur, magnifique d'implication et particulièrement bien mis en avant, et l'orchestre, d'une perfection millimétrée. Don Quichotte chez la Duchesse a été la première œuvre donnée par , il y a (déjà!) vingt-sept ans. On sent dans leur prestation actuelle l'amour d'une musique qu'on a plaisir à connaître.

Crédits photographiques : © Marc Ginot

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