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Magistrale Rappresentatione de Cavalieri par René Jacobs

Opéra ou oratorio, peu importe ! La direction époustouflante de apporte à cette œuvre unique toute la vie et toute la théâtralité dont elle a besoin pour remporter l'adhésion de l'auditeur. Qu'on se précipite sur ce pur chef-d'œuvre !

La Rappresentatione di Anima e di Corpo (Représentation de l'âme et du corps) d', créée en 1600, opéra ou oratorio? Le texte de présentation fort savant de l'universitaire allemande Silke Leopold pose la question sans y apporter de réponse tranchée. En cette année 1600, avant la création des premiers opéras florentins et avant que le genre de l'oratorio ne commence à se développer vers les formes qui allaient être les siennes, la question était sans doute dénuée de pertinence. Il n'en reste pas moins que la direction de , d'une souplesse, d'une intensité et d'une inventivité hors du commun, parvient à donner vie et corps aux personnages allégoriques qui peuplent cette œuvre unique entre toutes. Qu'il s'agisse des personnages « vertueux » – Intelletto, Angelo Custode, Tempo… – ou au contraire des incarnations « corrompues » – Piacere, Vita mondana…–, toutes ces figures hautes en couleur apportent, grâce à l'éminente théâtralité dans laquelle elles sont conçues, des réponses aux questionnements tellement humains de Corpo et de Anima. L'apothéose finale, dans cette œuvre incroyablement bien structurée et charpentée, réjouira tout auditeur capable de s'identifier aux problématiques théologiques posées par le livret. Les autres se contenteront de se délecter d'une musique à tout moment innovante, qui même dans les répétitions et les simples mouvements de danse sait à tout moment enchanter et se renouveler. Si les instrumentistes, et notamment les cordes pincées, font preuve d'une virtuosité à toute épreuve, on peut craindre cependant que les puristes les plus ardents leur fassent grief d'improvisations peut-être quelque peu excessives. Les autres, à n'en pas douter, y trouveront leur paradis.

Difficile, dans ce défilé d'incarnations toutes plus probantes les unes que les autres, de distinguer les chanteurs les plus méritants. Chacun y est parfaitement à sa place, y compris les rôles parlés de Prudentio (« Prudent ») et de Avveduto (« Avisé »), touchants dans leur clairvoyance et dans leur naïve candeur. À un tel degré d'excellence, peut-être avouera-t-on une petite préférence pour le vibrato serré et l'intonation parfaite du ténor , dans le double rôle de Intelletto (« La Raison ») et Piacere (« Le Plaisir »). Mais tous, répétons-le, sont en parfaite adéquation avec leur partie.

Que les mélomanes qui ne connaissent pas cette œuvre se ruent chez leur disquaire (physique ou en ligne). Ils ne le regretteront pas !

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