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Le jardin extraordinaire de William Christie

C'est un festival qui ravit le cœur et les sens, la beauté des jardins nous prédisposant à écouter une musique baroque savante, attrayante, enracinée, mais jamais figée… Le festival Dans les Jardins de clôture sa saison par un somptueux concert dédié à la langue italienne, langue de la musique par excellence, avec un programme voguant des premiers baroques italiens vers Porpora ou encore Cimarosa.

Le jardin de est un jardin de rêve, distingué « Jardin remarquable » depuis 2004 et classé à l'Inventaire supplémentaire des Monuments historiques. Plus de deux hectares façonnés autour de son logis vendéen, ancienne métairie construite à la fin du XVIe siècle. C'est un lieu créé à l'image de son travail amoureux de la musique ancienne, le fruit de la quête d'authenticité historique et d'une vision artistique personnelle. Les buis et les cours d'eau structurent avec grâce et harmonie de petits espaces paysagers aux styles contrastés : ifs taillés en chinoiserie, pinède, potager ou encore jardin américain se côtoient en un ensemble cohérent, subtilement fondu dans la campagne environnante.

Dans ces petits jardins sont donnés les programmes courts de l'après-midi. Dans un cloître fleuri de roses et de vivaces, on savoure chaque instant du concert de , qui nous fait entendre comme pour la première fois toute la suavité des madrigaux de Monteverdi ou de Francesco Rasi, premier interprète du personnage de l'Orfeo. Plus loin, dans une prairie, est donnée une création contemporaine composée par Douglas Balliett, contrebassiste des Arts Florissants : l'histoire de Junon, Jupiter, Narcisse, slamée avec humour et brio dans un récit mythologique d'aujourd'hui, accompagné par la facétie des musiciens de la Juilliard School.

Le concert du soir sur le plan d'eau fait la part belle aux six lauréats 2015 du concours de jeunes talents organisé par : le Jardin des Voix. Le programme, véritable « opéra dans l'opéra » constitué de pièces baroques italiennes, le travail sur les déplacements, les jeux de scène ont permis aux chanteurs de déployer avec dynamisme et fraîcheur toutes les facettes de leur talent. Les voix des six jeunes chanteurs, homogènes et précises, se mêlent à merveille dans le madrigal Il Zabaione musicale de Banchieri. L'on est ravi par le timbre rond, jamais contrefait, l'agilité vocale de la mezzo , ou encore par la force émotionnelle du contre-ténor , chantant avec subtilité la colère et l'amertume dans l'air de l'Orlando de Handel « Ah! stigie larve, ah ! scelerati spettri ! ». La basse est tout en puissance et en tourments, au jeu très physique, dans l'air de l'Orlando furioso « Ah sleale, ah spergiura ». Le ténor anglais et la basse démontrent d'indéniables qualités de grands solistes comédiens et jouent aisément de leur fibre comique dans le « Care pupile » de Vivaldi pour le premier, et dans le « Si guardi dai dardi d'Amor » de Stradella pour le second. Enfin, petit coup de coeur avec la soprano , dont la voix pure, claire, directe, sans sophistications inutiles dans l'ornementation, a illuminé les airs comme « Lascia la spina… » de Handel ou encore « Che sia della beltà » de Stradella.
Vivement l'année prochaine !

Crédit photographique : © Julien Gazeau 

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