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Arvo Pärt et le label ECM, une rétrospective

Le compositeur a quatre-vingts ans, sa collaboration avec le label ECM en a trente : le double CD « Musica selecta » revient sur ce parcours commun.

Depuis la parution, en 1984, de l'album « Tabula rasa », et le succès mondial que cette compilation d'œuvres tintinnabulistes de Pärt a rencontré, bien des enregistrements ont été réalisés sous l'égide discrète du producteur allemand Manfred Eicher. Ce musicien, contrebassiste de formation, est le fondateur du label ECM, à l'origine dévolu au jazz ; sa découverte fortuite du compositeur estonien, et sa fascination grandissante pour son univers sonore, l'ont conduit à s'intéresser également à la musique « classique » contemporaine, et en particulier, à construire avec Pärt une riche discographie, dont les deux CD parus en septembre permettent de mesurer l'ampleur.

Les œuvres choisies s'échelonnent dans le temps, en partant de la célèbre pièce pour piano seul, Für Alina, connue pour être la première manifestation du tournant stylistique de Pärt et de son choix d'un retour à l'accord parfait. L'interprétation qu'en donne Alexander Malter retient spécialement l'attention : dans une pièce aussi épurée, désertique, résolument dépourvue de virtuosité, on se demande quelle parcelle de liberté est laissée à l'interprète ; mais le pianiste russe, grâce à des jeux de tempi, parvient à intensifier progressivement le discours, si bien que l'auditeur, toujours désorienté, certes, devine un souffle, un élan latent qui l'élève vers des réalités invisibles.

Parmi tous les interprètes rencontrés au détour de l'anthologie, on remarque particulièrement Tōnu Kaljuste, qui dirige avec beaucoup de rigueur le Tallinn Chamber Orchestra. Le violoniste est très présent également – mentionnons la célèbre version de Fratres qu'il a réalisée, avec au piano, et que l'on est heureux de retrouver ici.

On pourrait regretter l'absence d'inédits (à l'exception notable du Most Holy Mother of God de 2003, pour quatre voix d'hommes, une belle pièce incantatoire jusqu'à l'hypnose). Toutefois, ces deux heures de musique sont une excellente occasion de découvrir le style du compositeur estonien, pour ceux qui le connaissent mal – et pour ceux qui le brocardent, de constater qu'il n'est pas aussi uniforme qu'on le croirait. Entre les ramifications complexes du Lamentate et l'unité organique du Stabat Mater, bien des nuances offrent prise au génie d'.

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