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Horizons variés à Pianoscope de Beauvais

Pour fêter les 10 ans du festival, le directeur artistique a frappé encore plus fort. Tout en restant fidèle à l'univers du piano, il ouvre le festival sur des horizons très divers : une demi-journée « So British », un groupe de musique du monde et un trio de jazz.

Ne pas se cantonner dans le domaine du classique pur : telle est en effet la spécificité de ce festival. En voici quelques preuves : dans la soirée du vendredi 16 octobre, le pianiste et ses deux « copains » jouent du jazz à des touches classiques (Arabesque de Schumann version jazz), et à la fin, ils font appel au violoncelliste qui se trouvait dans la salle pour une session mi-jazz mi-rock. Puis, deux musiciens et un danseur venus de la Géorgie offrent un « after » gratuit, pour la fusion entre le jazz et les musiques traditionnelles du pays, avec, de temps à autre, des danses inspirées de folklores.

L'atmosphère et joyeuse et festive, à tout moment. Le samedi 17, le concert sous le thème de « danses », par le jeune et très talentueux (ce nom, qui signifie « jeu », vient du recueil de pièces pédagogiques de Kurtág, écrites à partir de 1973 et ses 8 volumes publiés en 2010) inaugure également l'après-midi « So British » avec Water Music de Haendel. , pianiste irlandais rare en France, poursuit la thématique avec des Nocturnes de Field, prédécesseur en la matière de Chopin, mais aussi avec Brahms et Schubert. Puis le concert du soir montre un formidable éclectisme : après la Sonate pour violoncelle et piano de Britten par Berezovsky et Demarquette, la soprano chante Dowland et Purcelle, mais attention ! avec la technique de l'opéra russe du XIXe siècle, comme si de rien n'était ! Chose formidable – et forcément curieux –, cela ne dérange (presque) personne, la salle entière étant emportée par cette ambiance extrêmement conviviale. Après des extraits des Quintettes avec piano d'Elgar et de Bridge, le duo de musique celte, Catriona McKay (harpe celtique) et (violon) fait se déchainer littéralement tout le monde, les spectateurs battant des mesures avec les mains et les pieds, parfois agrémenté de cris joyeux. Berezovsky et Douglas rejoignent le duo l'un après l'autre, pour jouer avec eux – avec quel succès ! – des pièces traditionnelles irlandaises, mais aussi Ragtime Gypsy à quatre mains.

De tous les concerts, citons-en trois qui nous ont attirés particulièrement. D'abord le concert d'ouverture, le 15 octobre à la Maladrerie, avec , 4e Prix et Prix des critiques musicales, au dernier Concours Tchaïkovski de cet été. Le programme imprimé a été modifié de fond en comble (comme à l'accoutumée dans ce festival) et il joue à quatre mains avec Berezovsky deux Danses norvégiennes, avec le violoniste Michael Guttmann Berceuse de Fauré et deux pièces de Piazzolla. À la fin de la soirée, il interprète enfin en solo la Ballade n° 4 de Chopin et le très attendu Gaspard de la Nuit. Il y fait, une fois de plus, preuve de sa grande originalité et de sa musicalité exceptionnelle, notamment dans « Le Gibet » où règne une ambiance plus qu'étrange.

Le samedi 17 à 16 heures 30, donne un récital remarquable. Né en 1939, il est considéré comme l'un des plus grands pianistes et pédagogues britanniques (il enseigne à l'Académie royale) mais curieusement, presque totalement inconnu en France. Bien qu'il soit réputé pour être le premier à aborder intégralement les œuvres de Medtner, il nous propose Bach/Busoni, Mozart/Busoni, (1816-1872) ainsi que la Sonate n° 3 de Chopin. S'il exécute les transcriptions de Busoni dans un style postromantique à souhait, il nous fait découvrir Bennett et son univers proche de Mendelssohn et de Chopin ; sa Sonate en si mineur de Chopin est dépourvue de tout rubato, avec des mesures carrées et presque austères, mais lorsqu'il y en met un peu, l'effet absolument lumineux et prodigieux.

Enfin, dans la matinée du dimanche 18, Ekateria Derzhavina apporte une grande fraicheur. Des Douze Variations de Haydn extrêmement simples et raffinées avec des accents mis là où il faut et juste comme il faut, aux Kreisleriana colorées et passionnantes, en passant par Acht Stimmungsbilder de Medtner (Huit « Mood Pictures », son premier opus), son jeu est en parfaite adéquation avec son corps, intégrant l'instrument comme le prolongement de ses bras et de ses doigts. Grande musicienne, son nom mériterait d'être plus largement connu.

Crédits photographiques : , Ekateria Derzhavina © Mazet

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