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Les enregistrements Philips du Beaux Arts Trio

Les enregistrements Philips du Beaux Arts Trio : quarante ans et soixante disques d'une incontestable excellence musicale.

Ce coffret, très fourni et intéressant, sur l'un des ensembles majeurs du XXe siècle, embrasse quasiment tout le répertoire du trio avec piano. Et pour cette formation, les Beaux Arts sont certainement le plus célèbre ensemble de l'histoire du disque. Car, avant eux, les trios réunissant Cortot, Thibaud et Casals, puis Heifetz, Piatigorsky et Rubinstein, doivent être considérés comme des associations de solistes fameux, et après eux, Stern, Istomin et Rose, ou du Pré, Barenboim et Zukerman le sont encore largement. Les Beaux Arts, moins anciens que le trio de Trieste, qui d'ailleurs les a aussi surpassés en stabilité et en longévité, comptent pourtant bien plus que ces derniers, principalement en raison d'une discographie plus vaste et mieux servie par la technique. Évidemment, ils dominent l'histoire de leur formation par leur parfaite coïncidence avec l'âge d'or du disque, comme le firent Fischer-Dieskau et Karajan.

Le style du Beaux Arts Trio, en effet, c'est l'idéal pour le disque, l'exactitude et l'harmonie, la fluidité, la clarté. Une interprétation des Beaux Arts est toujours au moins excellente, si elle n'est pas toujours la plus frappante (voyez ici leur Chostakovitch non-violent). On connaît bien les caractéristiques du jeu du pianiste , seul membre de l'ensemble présent de sa fondation (1955) jusqu'à sa dissolution en 2008. Au violon de 1955 à 1969, , qui avait fait partie du quatuor Calvet et du NBC Orchestra de Toscanini, n'avait pas une sonorité infaillible, mais il avait l'exactitude et la majesté. Tandis que lui succédaient brillamment puis , devait rester au violoncelle un pilier de solidité et de poésie, cédant la place à en 1987. La suite de l'histoire du trio n'est pas documentée par ce coffret, qui reprend leur legs gravé chez Philips, de 1956 à 1995.

Le coffret est constitué presque exclusivement de trios avec piano, mais offre aussi des quatuors avec piano (Brahms, Dvorák, Fauré) et des quintettes (Schubert, Schumann, Chostakovitch). Seul a droit à une apparition en soliste, dans une enthousiaste Fantaisie chorale de Beethoven. Les Beaux Arts ont créé quelques partitions américaines, présentes ici (Rorem, Rochberg), mais ils ont se sont concentrés sur le répertoire classique, romantique et moderne, qu'ils ont parcouru de A à Z (d'Arenski à Zemlinsky, en passant par Chausson, Hummel, , Turina, etc.). Quand ils abordaient un compositeur, ils enregistraient souvent toute son œuvre pour trio, en incluant les pièces mineures (Beethoven, Schubert) et douteuses (un quatrième trio de Brahms). C'est cette capacité de travail, ce style absolument naturel, ce soin des moindres détails et cette hauteur tranquille qui font de leur intégrale des trios de Haydn un classique éternel. Les instruments anciens ont permis, depuis, d'atteindre une interprétation plus authentique. Mais il y a dans leur Haydn, comme dans leur Mozart, quelque chose de si tempéré, de si harmonieux qu'on ne peut reléguer leurs témoignages au rang d'archives. Les remakes des années 1980, dans leur beauté mûrie, ont perdu en simplicité ce qu'ils ont gagné en tendresse lumineuse. Les doublons (trios et triple concerto de Beethoven, trios de Schubert, Brahms, Schumann, Tchaïkovsky, et même trois fois celui de Ravel !) ne sont donc pas un inconvénient.

Voilà une somme unique.

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