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Pierre et le Loup : le retour !

Donner une suite, 80 ans plus tard, à Pierre et le Loup, est une magnifique idée qui ravira enfants et ex-enfants entrés en musique par la petite porte du chef-d'œuvre de Prokofiev.

Pierre et le Loup, à l'instar des Variations et fugue sur un thème de Purcell de Britten, est un des gestes musicaux les plus intelligents qui soient à l'adresse des enfants, traditionnellement condamnés à la mièvrerie musicale. Inspiration comme orchestration en sont si parfaites que leur effet reste enchanteur sur les adultes qu'ils sont devenus.

Adultes toujours pas remis de l'audacieux finale de Prokofiev, avec son happy end qui n'en était pas un. Le canard, en héroïne hitchcockienne, y était expédié ad patres au bout de 5 minutes. Les ex-enfants seront donc ravis de voir le volatile faire son retour dans le quart d'heure de cet épisode II, conçu à deux plumes par , actuel chef de l', et par , star des écoles primaires avec de fameuses Histoires pressées.

Le conte nouveau offre une belle conclusion à un petit Pierre jadis condamné à la sédentarisation : c'est ce canard toujours vivant, dégoûté de l'appétit de mort des hommes, qui fera naître dans le cerveau du petit héros, comme dans les merveilleux Contes du chat perché de Marcel Aymé, le rêve des grands voyages. Si la subtile transgression de ce parcours détonnant étonne et convainc, la musique, pour habile et ultra-mélodique qu'elle soit (très belle nuit dans le zoo, prenante entrée de la Louve), génère à la première écoute un immanquable sentiment de frustration. Tout en restant dans l'esprit d'une musique populaire, Verdier, en fils de Nino Rota et de Danny Elfman, voire en petit-fils de Janáček et de Verdi, tout en lorgnant vers Lieutenant Kijé, n'adresse aucun clin d'œil au conte musical de Prokofiev. Comme celle de l'enfant sut si bien le faire jadis dans l'épisode I avec la plainte du hautbois dans le ventre du loup, l'oreille de l'adulte attend tout le long de l'épisode II que Verdier fasse subir à Prokofiev le sort du canard en avalant vivantes quelques notes familières de l'œuvre-mère : certain ronchonnement de basson, voire une célébrissime marche décidée aux cordes. En vain. Il faut s'y résoudre pour ensuite se laisser séduire : Le Canard est toujours vivant ! est une œuvre entièrement nouvelle.

Présenté dans un disque séparé, le conte musical de Prokofiev bénéficie d'une  interprétation de premier ordre, où les cordes graves et les différents solistes de l' sont somptueusement mis en valeur. Le sobre est l'excellent diseur des deux œuvres. Le tout est emballé dans un beau volume illustré avec poésie par . Un cadeau idéal (dès 4 ans) que ce livre-disque plus original que bien des versions antérieures.

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