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Leonard Bernstein pionnier des symphonies de Sibelius

Pour honorer le centenaire de la naissance de (1865-1957), plusieurs chefs entreprirent dans les années 60 l'intégrale des sept symphonies du compositeur finlandais : Sir , et , chacun appartenant à un label différent, respectivement EMI/Warner, CBS/Sony et Decca. C'était de bonne concurrence.

Toutefois ce fut (1918-1990) qui accomplit la première intégrale stéréophonique initiée en mars 1960, puisqu'il y mit un point final en mai 1967 à temps pour le dixième anniversaire de la disparition de Sibelius, tandis que Maazel la termina en avril 1968 et Barbirolli en mai 1970. Les suivantes sont innombrables. Rappelons qu'il existe également deux précédentes intégrales pionnières excellentes en mono : celle de Sixten Ehrling en 1953 (Finlandia/Warner) et celle d'Anthony Collins en 1955 (Decca). La réédition des gravures de vient à point nommé en cette année du 150e anniversaire de la naissance de , d'autant plus qu'elles ont bénéficié d'une toute nouvelle édition superbement remasterisée.

On a souvent affirmé que la Symphonie n°1 en mi mineur op. 39 (1899) de Sibelius devait beaucoup à Tchaïkovski, ce que son auteur a toujours infirmé avec force : si elle est bien le produit du courant romantique fin du 19e siècle, c'est plutôt Borodine qu'elle évoque. La Symphonie n°2 en ré majeur op. 43 (1902) est un hymne nationaliste à la liberté du peuple finlandais, s'achevant en une apothéose flamboyante : tout le langage sibélien s'y trouve déjà. Avec la Symphonie n°3 en ut majeur opus 52 (1907), brève et concise, c'est le Sibelius épris de classicisme qui s'exprime en un langage qui trouvera son aboutissement dans les Symphonies n°6 et n°7.

La Symphonie n°4 en la mineur op. 63 (1911), la plus âpre, aride et sombre de toutes, frôle souvent un atonalisme dissonant associé à l'ascétisme de son langage. La Symphonie n°5 en mi bémol majeur op. 82 (1919), la plus beethovenienne de toutes, y fait volte-face, par son lyrisme chaleureux. Elle fut composée conjointement avec l'impressionniste Symphonie n°6 en ré mineur (dorien) op. 104 (1923), « eau froide et pure » selon Sibelius lui-même, et l'olympienne Symphonie n°7 en ut majeur op. 105 (1924) en un seul mouvement, aboutissement de l'art du compositeur avec le poème symphonique Tapiola op. 112 (1926) malheureusement omis par Bernstein, ce qui n'a pas empêché ce dernier de nous offrir ces deux raretés que sont les poèmes symphoniques La Fille de Pohjola op. 49 et surtout Luonnotar op. 70, admirablement chanté par la soprano américaine . Par ailleurs le Concerto pour violon en ré mineur op. 47 bénéficie du jeu vibrant et frémissant du violoniste marseillais (1902-1991), l'une des versions les plus abouties de l'œuvre si pas des plus connues.

Le bouillonnant et passionné Leonard Bernstein ne pouvait nous livrer que des exécutions passionnantes de ces œuvres, ayant dirigé toutes les symphonies en cette seule saison de 1965 à New York (pour le centenaire de Sibelius), tout comme l'avait fait son mentor Serge Koussevitzky trois décennies plus tôt à Boston. Bernstein a la chance de disposer du qui répond idéalement à ses intentions avec une extraordinaire intensité en des interprétations extrêmement fouillées : il sculpte la matière sonore avec puissance mais également avec souci du détail. Ce sont véritablement des versions exhaustives et enthousiasmantes qu'il serait exaltant de comparer à celles de ses contemporains Sir ou , sans compter Karajan.

La présence un peu incongrue des deux Suites op. 46 et op. 55 de Peer Gynt d' – très bien interprétées au demeurant par Bernstein – et surtout du Concerto pour violon n°1 en sol mineur op. 26 de – superbe par , mais dirigé plutôt mollement par (1930-1977) – est due à la réalisation des CDs à l'identique des microsillons vinyles d'origine.

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