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À Genève, enthousiasmant Philippe Herreweghe

Dirigé de main de maître par , l' exhale des couleurs ambrées et chaleureuses dans une plongée enthousiasmante dans l'univers beethovénien.

Certes, les orchestres s'exprimant sur des instruments d'époque ont un son bien particulier. Bien souvent, leur volume sonore limite leur répertoire aux musiques de style « mozartien », délaissant les premiers grands romantiques. Avec l', a construit un ensemble qui aujourd'hui s'attaque aux grands classiques de la fin du XVIIIe siècle.

Dans ce Victoria Hall, antre de l'Orchestre de la Suisse Romande et des plus grands ensembles symphoniques, on craint que le son de l' se perde. Pourtant, dès les premiers accents de l'ouverture « Coriolan », on est surpris par l'ampleur sonore de l'orchestre. Peut-être même que si le volume reste moindre que celui des grandes formations symphoniques, la qualité sonore de l'ensemble force une écoute plus attentive. Et donc un silence de salle plus profond.

Et raconte bien la musique. Les attaques contrastées soulignent magnifiquement le caractère guerrier de Coriolan partant à la reconquête de Rome, la ville qui l'a tant déçu. Puis, au moment de la curie, la soudaine vue de sa mère implorant le pardon à la cité de son enfance, voit l'orchestre se fondre dans une sentimentalité touchante. Jamais peut-être, on devient habité par le sentiment confus de reconnaître l'œuvre beethovénienne pour elle-même avant son interprétation tant cette dernière est artistiquement convaincante.

Cette magnifique énergie poétique se retrouve tout au long de la Symphonie « Eroica ». Les coudes pliés, les avant-bras à hauteur de sa tête, Philippe Herreweghe conduit son orchestre par de petits mouvements saccadés d'une diabolique précision. La cohésion de l'ensemble est absolument remarquable et là, encore, la musique est racontée plus que jouée. Ainsi, dans la fameuse marche funèbre, Herreweghe ne succombe pas au pathos souvent lancé par les chefs des grands ensembles symphoniques. « Sa » marche est solennelle, empreinte d'une grandeur imposante. Un choix certainement plus judicieux que la lente tristesse d'une marche funèbre en déplaise à la note de Beethoven sur ses esquisses. Quand le regard s'échappe vers les membres de l'orchestre, on y voit la fascinante Ageet Zweistra dont l'implication physique autant que musicale laisse l'impression qu'elle joue la symphonie à elle toute seule. Une impétuosité débordante qui habite aussi la flûte de comme le hautbois de Josep Domenech.

Dans le concerto pour violon, l'enthousiasmant début du concert s'efface quelque peu. Le violon d' semble manquer de puissance, souvent agressif, voire à la limite de la justesse. Son instrument peine à s'intégrer dans les sonorités rondes de l'orchestre. De son côté, le chef belge s'applique avec probablement trop de modestie à offrir à la soliste un soutien musical dont elle ne semble pas profiter. Et que dire des surprenantes cadences semblant sortir d'on « je-ne-sais-où » mais en tous cas pas très en phase avec l'extraordinaire musicalité de l'orchestre et de la rondeur de son interprétation.

Crédit photographique : Philippe Herreweghe © Michiel Hendryckx

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