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Récital Heine et Goethe par Mark Padmore et Paul Lewis

Dans un programme consacré exclusivement à Heine et à Goethe, et réconcilient des approches de la musique radicalement opposées.

A priori, on ne saurait trouver tempéraments plus désassortis entre les deux musiciens. Le ténor , avec son timbre et sa tessiture de haute-contre à la française, impose aux lieder de Schumann, Brahms, Schubert et Wolf une ligne parfaitement stylée, un vibrato impeccablement contrôlé et une science consommée de la rhétorique. Reconnaissons qu'on a rarement l'occasion de nos jours d'entendre ce type de voix dans le répertoire romantique, car c'est plutôt au baroque et à la musique contemporaine qu'on associe aujourd'hui ces voix de ténor « blanc » à l'anglaise, typiques par exemple des grands rôles britténiens autrefois conçus pour Peter Pears. Quant au pianiste , au tempérament musical fougueux et au romantisme exacerbé, il s'épanouit visiblement dans les déferlements pianistiques de Brahms ou de Wolf, davantage en tout cas que dans l'intimisme schumanien ou dans l'intériorité de Schubert, où il semble rester quelque peu en retrait. Quoi qu'il en soit, dans l'un et l'autre des cas, la maîtrise technique absolue des deux interprètes force le respect et l'admiration.

De toute évidence, plutôt qu'elles ne s'annulent, ces deux approches musicales antithétiques se complètent et s'enrichissent mutuellement, fournissant aux mots savamment distillés par le chanteur – non sans, de temps à autre, quelque préciosité ou affectation – le tapis sonore du piano qui en devient en quelque sorte l'émanation et le développement émotionnels. La première partie du concert, consacrée à Schumann, était peut-être la plus réussie. À l'ironie et aux ambiguïtés des poèmes de Heine, dans lesquelles Padmore excelle tout particulièrement, correspond le piano discret et mesuré de Lewis. Ce dernier s'emballe davantage dans la partie consacrée à Brahms, forçant le ténor à se départir de sa réserve naturelle. La différence des tempéraments est portée à son apogée avec Schubert, où le calme et l'ascèse de Padmore ont de mal à contenir l'impétuosité du pianiste. Dans le cycle des lieder de Wolf, c'est la truculence du piano qui finit par l'emporter, forçant – notamment dans le célèbre « Der Rattenfänger » et dans les quatre chansons à boire finales – Padmore à se libérer de son phlegme et à sortir de son cadre naturel.

La vie ne cesse de nous le montrer. Les mariages les plus réussis sont souvent le fait des couples les plus désassortis.

Crédit photographique : © Marco Borgrevve

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